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Alain Chamfort de cloclo à St Laurent en passant par Gainsbourg

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 Alain Chamfort, je l’ai connu à ses débuts, alors que je parcourais les routes avec Claude François et qu’il s’y produisait en première partie. Il est vrai qu’après ça, nous nous sommes peu revus. Mais à l’occasion du livre-disque paru sur St Laurent voici quelques mois, nous nous sommes retrouvés ainsi que pour l’ouverture du Théâtre Liberté de Toulon où il était un des invités surprise.

C’est ainsi que nous nous sommes remémorés quelques souvenirs de tournées avec l’idole inoubliable, tournées qui étaient souvent très mouvementées mais que lui a vécu avec joie et bonne humeur, puisqu’il démarrait dans une carrière qui allait devenir ce que l’on sait.,S’il avait travaillé avec Dutronc, Roda-Gil ou Dick Rivers, avec Claude ça va aller plus loin.nIl avait le style “Cloclo” alors avec des chansons comme “Dans les ruisseaux”, “Signe de vie, signe d’amour”, “Adieu mon bébé chanteur”, “L’amour en France”, chansons qu’auraient pu également chanter Claude ou même Patrick Juvet qui avait signé pour celui-ci “Le lundi au soleil”. Ils avaient à peu près la même tessiture.
Mais très vite il comprend qu’il n’a pas la vocation d’être un chanteur à minettes et quittera les disques Flèche… Il se souvient de cette période.

Alain, tu as connu Claude alors que tu allais lui proposer des chansons ?
C’est ça, avec mon complice Michel Pelay, nous sommes allés lui proposer quelques chansons qui ont eu l’heur de lui plaire. Du coup, il a mis son mini-studio à notre disposition où nous pouvions réaliser quelques maquettes et alors, nous n’avons quasiment travaillé que pour lui ! Jusqu’au jour où, entendant mes maquettes, il m’a demandé si ça me dirait de faire un disque. J’ai dit oui et ça s’est fait tout simplement, comme ça.

Comment vous êtes-vous quittés ?
Bizarrement car mon contrat finissait et j’avais alors d’autres propositions plus intéressantes chez d’autres maisons de disques. ça, il ne le supportait pas, alors il a essayé de me retenir par tous les moyens mais comme j’avais des offres plus intéressantes et qu’il ne voulait pas surenchérir, il a bien fallu qu’il me laisse partir.

Et alors ?
Je suis parti mais il m’en a beaucoup voulu, il s’est fâché avec moi et là j’avoue qu’il a été méchant et qu’il a cherché à me nuire car, s’il virait les gens ou les quittait, il ne supportait pas qu’on le quitte. Il fallait qu’on soit exclusivement à lui. Mais moi, j’avais déjà envie de faire autre chose, ce que j’ai fait avec Gainsbourg par exemple et que je n’aurais pu faire avec lui”.

C’est ainsi que le premier acte se termine pour lui et qu’il rencontre Gainsbourg avec qui il fera un disque dont “Traces de toi” ou le fameux “Manureva” qui le lance dans une nouvelle direction.
Mais là encore, le personnage n’est pas des plus faciles.
Troisième acte, il fera cavalier seul, du moins avec des personnalités qui restent dans l’ombre, se contentant d’être auteurs ou compositeurs et non chanteurs. Il y aura des hauts et des bas, dont l’éviction de sa maison de disques qui l’obligera à devenir son propre producteur.
Et en 2010, il y aura cet événement : un livre sur la vie de St Laurent, accompagné d’un disque dont les chansons déroulent la vie du grand couturier.
Que voilà une belle, très belle idée, que d’associer tous les arts en un livre. Et c’est chez Albin Michel qu’on découvre ce bel événement artistique et culturel grâce à l’association de leurs deux noms. On n’aurait pu ne jamais penser les associer et les voilà réunis dans cette biographie « Une vie St Laurent », signée de Robert Murphy, qui retrace la vie et l’œuvre de ce couturier génial que fut celui qui prit avec succès, avec élégance, avec imagination, la suite d’un certain Christian Dior, autre génie qui porta la mode au sommet, dans le monde entier.
YSL… Trois lettres symboles qui firent et font encore le tour du monde, initiales d’un petit garçon timide né à Oran, qui allait devenir le porte-parole d’un art à jamais parisien, qui révolutionna la mode en créant entre autre le fameux smoking que toutes les femmes portent encore aujourd’hui. Un très beau livre qui retrace, année par année, le parcours sans faute de ce bel éphèbe discret, secret et renfermé qui, avec l’aide de son compagnon Pierre Bergé, a créé un empire et laissera son empreinte à tout jamais.
Mais, si le livre est luxueux et imagé par de sublimes photos, dessins, croquis, il possède donc un autre trésor : un CD de 16 chansons composées et chantées par Alain Chamfort, sur des textes de Pierre-Dominique Burgaud, retraçant aussi en musique la vie, qui est un véritable roman, de ce couturier-poète. Les chansons sont belles, empreintes de nostalgie et d’émotion, de classe, de simplicité et d’élégance, à l’image de ces deux  artistes.

Alain, comment est venue cette idée d’illustrer musicalement la vie de St Laurent ?
C’est une idée de Pierre-Dominique Burgaud qui est un ami et qui a un parcours original : il était directeur artistique dans la pub jusqu’au jour où il a tout laissé tomber pour écrire des chansons. ça a donné la comédie musicale « Soldat Rose » !
Un jour il me montre quelques textes que lui ont inspirée la vie de St Laurent. Au départ, ce n’était pas un projet forcément évident et « rentable ». Mais en deux ou trois chansons qu’il m’a faites lire, j’ai trouvé qu’il avait réussi à raconter de manière très poétique avec une possibilité de mettre ces textes en chansons.

Connaissais-tu Yves St Laurent ?
Pas du tout, je ne l’avais jamais rencontré, je savais bien sûr qui il était mais ça ne me passionnait pas plus que ça. J’ai donc lu des biographies et je me suis rendu compte de ce vrai destin exceptionnel. C’était un personnage emblématique du dernier siècle, de l’après-guerre, qui avait vécu à la même époque que moi, en parallèle, dans des sphères différentes et qu’on aurait pu se croiser. Mais ça ne s’est pas fait.
Je me suis alors rendu compte que son histoire était presque du domaine du roman, son enfance, sa trajectoire, son destin tragique malgré les apparences… Un vrai personnage de roman. Nous l’avons alors traité de la manière qui nous semblait la plus proche de l’idée qu’on s’en faisait.

As-tu fait part de ce projet à Pierre Bergé, qui était si proche de lui ?
Oui… mais une fois que les chansons étaient écrites. Nous voulions pouvoir travailler sans entraves, sans des choses qui pouvaient court-circuiter nos idées, nos écritures. Mais bien sûr, il a eu vent de ce projet et c’est lui qui a voulu nous rencontrer. Nous l’avons donc rencontré et fait entendre nos chansons. Il a pu ainsi juger sur pièce. Il a aimé et a avalisé nos chansons. Il a aimé la façon que nous avons eu de montrer son évolution par rapport au monde, à la société qui était alors en mutation, sa façon d’appréhender les choses, les événements car, même si on le croyait enfermé dans une cage de verre, il percevait les choses, était très sensible à tout ce qui se passait autour de lui.
C’était un risque que de ne pas lui parler de ce projet en amont… S’il avait dit non ?
Nous n’avons pas vraiment évalué ce risque, on était dans notre histoire… dans son histoire et si Pierre Bergé avait dit non, il est évident que nous aurions abandonné le projet. ça aurait voulu dire que nous n’étions pas légitimes et la seule manière de le rendre crédible c’est que Pierre Bergé le cautionne. Nous ne nous serions pas lancés sur ce projet s’il n’avait pas été d’accord.

En dehors de ce disque et de ce projet, tu tournes toujours en galas ?
Oui bien sûr. J’ai deux formules : une acoustique avec deux pianos et une plus électrique avec DJ, clavier et vidéos… Au choix !”
C’est ce premier choix qu’il nous proposera au Théâtre Liberté le vendredi 28 janvier à 20h30, avec Thierry Eliez au piano.

Propos recueillis par Jacques Brachet