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Fabienne Merlin-Labre. L’avocat : informer et conseiller avant tout

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Fabienne Merlin-Labre est avocate au barreau de Toulon depuis 7 ans. Passionnée par son métier, nous avons souhaité la rencontrer pour débroussailler les clichés autour de ce métier parfois mal cerné par le grand public.

Fabienne Merlin-Labre, pouvez-vous nous expliquer le rôle d’un avocat ?
Il faut en fait parler DES rôles de l’avocat. En effet, dans l’inconscient collectif l’image de l’avocat est celle du professionnel qui assure la défense des personnes qui en ont besoin. Or, je serais tentée de dire que cette facette du métier d’avocat ne doit intervenir qu’en dernier recours et qu’il est plus intéressant de s’adresser à lui en amont. S’il y a défense, c’est qu’il y a litige, or les autres rôles de l’avocat peuvent éviter à son client d’en arriver là.
Je m’explique : si je devais classer ces différents rôles en suivant un ordre logique je dirais que :

– D’abord l’avocat doit INFORMER, c’est-à-dire rappeler à son client ses droits et ses obligations, recentrer et resituer, de par la loi, où commence la liberté de l’autre c’est à dire où s’arrête la sienne. A partir de là, le cadre posé, on entre dans la deuxième problématique :
– Le conseil. L’avocat va CONSEILLER telle attitude, telle démarche pour préserver des droits ou pour permettre l’exécution d’obligations. Dans ce conseil, il y a évidemment une intervention en prévention, c’est à dire pour essayer de trouver des solutions amiables ou négocier lorsqu’il y a un contentieux sous-jacent. En étant ainsi dans le conseil et donc en amont du litige, il est plus facile de trouver des solutions adaptées et des conciliations.
Il y a un vieil adage en droit qui dit « mieux vaut une mauvaise transaction qu’un bon procès ». Une transaction c’est en effet un contrat, quelque chose de consenti avec des concessions de part et d’autre. Par contre, une décision de justice est imposée par un magistrat, elle tranche le contentieux que cela plaise ou pas. La décision est subie et souvent mal comprise. D’ailleurs la loi évoluant, de plus en plus de juridictions ne pourront désormais être
saisies que si les parties sont en mesure de démontrer qu’elles ont fait des tentatives de conciliation. Parfois, c’est déjà trop tard, le conflit étant déjà émergeant, d’où l’intérêt de demander conseil dès le départ. La prévention en amont est fondamentale. Elle évite des coûts pécuniaires, mais aussi familiaux ou professionnels. En France, le citoyen n’a pas ce réflexe de venir demander conseil, il veut se débrouiller tout seul. C’est souvent maladroit.

– Ensuite, notre rôle est d’ASSISTER. Là, nous sommes déjà dans le contentieux. Dans certaines juridictions, dans les petits litiges, la représentation par un avocat n’est pas obligatoire. Chacun peut saisir directement un juge de proximité, le juge des prud’hommes, un juge de tribunal d’instance. J’utiliserai la métaphore du pain : si vous achetez votre pain chez le boulanger ou si vous le faites dans votre machine à pain, vous n’aurez pas le même résultat. Le justiciable qui se représentera seul fera son pain, mais l’assistance d’un avocat lui permettra de bien cerner toute la problématique juridique, de répondre à toutes les questions, de fournir toutes les pièces justificatives, en bref d’avoir un dossier bien ficelé.

– Enfin, on en arrive au rôle de DEFENDRE. L’avocat représente son client devant certaines juridictions, comme le Tribunal de Grande Instance, les Cours d’Appel. Il fait les actes de procédure pour son client, s’inscrit au rôle d’audience pour lui, et enfin conclut pour lui en exposant précisément les faits, les arguments et en tirant les conséquences juridiques.

Vous voyez donc que s’informer et se faire conseiller auprès d’un avocat peut finalement permettre d’éviter d’en arriver à avoir besoin de sa défense. Nous faisons souvent cette remarque à nos clients : « Pourquoi n’êtes-vous pas venus nous voir avant ? ».

Qui peut faire appel à un avocat ?
Tout le monde. Les particuliers comme les professionnels (artisans, commerçants, chefs d’entreprise, sociétés…). En effet, dans notre devoir d’information et de conseil nous aidons aussi ces derniers à rédiger les actes de constitution de société, nous travaillons en étroite collaboration avec les experts comptables, les notaires, en droit de succession, en droit de la famille. Les professionnels ne pensent pas forcément à faire appel à un avocat dans ces démarches et pourtant un acte d’avocat a une valeur probatoire auprès des tribunaux. C’est à dire que si un avocat a apposé sa signature sur les documents d’une constitution d’entreprise, par exemple, pour l’Institution les choses ont été faites dans les règles.

Qu’est-ce que la commission d’office ?
L’ordre des avocats établit des plannings d’intervention pour les avocats volontaires. Cela concerne essentiellement le pénal. Ce planning garantit la possibilité d’avoir un avocat disponible à toute heure du jour et de la nuit, tous les jours, en cas d’urgence.
Il ne faut pas confondre commission d’office et aide juridictionnelle. La commission d’office vous garantit d’être représenté à quel que moment que ce soit par un avocat si vous êtes en garde à vue (auteur ou victime), mais il faudra le rémunérer. L’aide juridictionnelle (totale ou partielle) concerne uniquement les personnes qui ne sont pas en mesure de s’acquitter de ces frais juridiques. C’est alors la collectivité qui assume les frais pour elles. Les barèmes sont fixés en Conseil d’Etat.

On dit qu’un avocat c’est cher. Qu’en pensez-vous ?
Les honoraires sont toujours convenus avec le client, ce n’est jamais une surprise. Il est vrai que c’est un métier qui demande énormément de temps de réflexion, de rédaction, et que le coût peut être important. Nous vendons de l’intellectuel et non du matériel. Les gens ne réalisent pas forcément les heures de travail que nous y passons. Ceci étant,  nous sommes en mesure de comprendre le besoin d’étalement des paiements dans le temps. L’argent ne doit pas être un tabou. Il peut aussi y avoir des adaptations de l’accompagnement : si la personne ne peut pas payer toute la procédure, nous pouvons tout préparer pour qu’elle se présente seule en baissant ainsi les frais. Mais il ne faut pas oublier, et on en revient à l’ordre des rôles de l’avocat que j’ai présentés dans votre première question, informer et conseiller c’est aussi faire que l’investissement qu’un client fait dans une consultation puisse lui éviter des frais juridiques astronomiques. La distanciation que nous permettons au client de prendre par rapport au litige, en rappelant droits et obligations, évacuant l’affect du mieux possible, permet d’éviter une procédure coûteuse et parfois destructrice. Aller voir un avocat ce n’est pas mettre les pieds dans une longue et coûteuse procédure. Notre métier c’est aussi de l’éviter, à moindres frais.

Quelles sont les dominantes dans lesquelles vous intervenez ?
Je travaille essentiellement en droit de la famille et en saisie immobilière. Je ne fais pas de droit fiscal ni de droit de la construction.

Si vous deviez conclure cet entretien, que diriez-vous ?
Je dirais que dans la vie tout acte a une portée juridique. L’avocat doit être un allié pour en prendre conscience et prendre les bonnes dispositions personnelles ou professionnelles en accord avec les droits et obligations fixés par la loi.

Karine Perrier