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Rugby bleu, blanc, rouge, noir Eric Champ

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“Je crois surtout aux joueurs”. Ancien capitaine du RCT, 42 sélections en équipe de France et vice-champion du monde en 1987, la voix d’Eric Champ a toujours compté dans le rugby français. L’ancien international au cœur rouge et noir est confiant pour son sport. Il croit en cette nouvelle génération à laquelle on donne de plus en plus sa chance. Même s’il mène une autre existence depuis sa retraite sportive, l’ovalie occupera toujours une place essentielle dans sa vie.

Quelle est la différence entre le rugby que vous pratiquiez et celui qu’on pratique aujourd’hui ?

Il ne reste que le nom et le ballon. Je ne dis pas que c’est mieux ou moins bien. Même la boue a disparue, ils jouent sur des pelouses synthétiques.
Est-ce qu’il est encore possible de faire front au Haka* aujourd’hui ?
Bien sûr que c’est possible. J’ai la prétention de dire que j’ai été le pionnier de ce genre d’attitude. C’est avec plaisir que j’ai vu l’équipe de France s’avancer. J’ai l’air d’avoir confiance en moi mais en vérité, c’est une grande frayeur pour moi.

Que pensez-vous des nouvelles règles de plaquage ?

Aujourd’hui, le gros problème c’est la santé des joueurs. Il y a plusieurs raisons. La première, si je puis dire, c’est qu’avec l’émergence de certaines nations du sud dans le rugby, certaines techniques de plaquages hauts se développent. La bonne réflexion est de privilégier le plaquage aux jambes et bannir celui au-dessus de la ceinture. J’espère que ce sera mis en place, c’est une réelle piste d’amélioration. Le rugby est un sport compliqué. On doit se faire des passes en arrière et marquer devant. Pour ça, on avait plusieurs manières de passer la ligne. Depuis quelques années, sous l‘impulsion de certains entraîneurs, on a banni le contournement pour privilégier “le rentre dedans”. Les joueurs d’aujourd’hui sont bien entraînés et de plus en plus physiques donc quand ça tape, ça fait très mal. Avec le jeu moderne, on revient sur un jeu de vitesse, de passe et de contournement. Le défi physique existera toujours mais on prend moins de risques.

En septembre la coupe du monde aura lieu au Japon. Qu’espérez-vous pour la France ?

Le plus grand rêve d’un joueur de haut niveau, c’est être champion du monde. La France est la seule grande nation du rugby à ne pas l’avoir été. Moi, je n’ai été que finaliste. Il y a de nouveaux jeunes, des Toulonnais qui sont en mesure de déjouer les pronostics car clairement, personne ne nous donne favori.

Ensuite, l’équipe de France aura un nouvel entraîneur. Qu’est-ce que cela va changer ?

Je sais qu’il faut des bons entraîneurs. Mais je pars du principe qu’il n’y a pas de grandes équipes sans grands joueurs. Si d’ici le mois d’octobre, on arrive à constituer un groupe de bon ou très bon niveau, que ce soit Pierre, Paul ou Jacques, l’entraîneur, ça le fera. Le changement, c’est à la mode. Il faut faire face à un choc psychologique quand on perd mais l ‘équipe reste le socle.

Que pensez-vous de la saison écoulée au Rugby Club Toulonnais ?

Je vais vous surprendre mais ça fait longtemps que je n’étais pas allé au stade avec plaisir. On a enfin eu un entraîneur qui a décidé d’intégrer des jeunes et, qui plus est, des jeunes de Toulon. Ce n’est pas facile car ceux qui ne sont pas dans cette dynamique ont eu du mal à l’accepter, il a dû faire des choix difficiles. Patrice Collazzo est l’homme qu’il nous fallait. On a une belle génération qui arrive avec des Champions de France cadets, juniors, espoirs… C’est avec eux qu’on va de nouveau flirter avec les étoiles et le bouclier de Brennus.

Le président du club a promis “encore plus de détermination” pour la saison prochaine. Qu’en dites-vous ?

Je n’attends rien du tout. Je pense que le contexte économique actuel fait qu’on a moins de moyens pour intégrer dans notre collectif les meilleurs joueurs du monde à chaque poste. Le réel changement est lié à une volonté d’intégrer les jeunes. On m’a demandé de participer à une photo pour être sur les affiches de la campagne d’abonnement. Je l’ai fait avec plaisir car je suis ravi de ce qui se passe en ce moment dans le club. Les impatients seront en colère l’année prochaine si nous ne devenons pas champions de France mais avec les jeunes joueurs, un entraîneur qui tient la route et quelques “stars“, nous serons difficiles à prendre.

Lors de la finale du mondial de1987 Eric Champ a avancé vers ses adversaires à la fin du Haka - Limpact
Quelle est votre vie “post rugby” ?

Mon quotidien, il est le même depuis longtemps. Depuis une trentaine d’années, je suis dirigeant de grands groupes industriels tournés vers l’ingénierie. Actuellement, c’est la société Parlym. Je me déplace à Paris ou encore à Lyon. Comme au rugby, il faut préparer la reconversion et je m’apprête donc, dans les 2 ans, à avoir une activité plus centrée sur notre région. Avec quelques amis on a racheté une licence de diagnostic immobilier pour faire des audits, de la recherche de plomb ou encore d’amiante.

Cette vie vous comble autant que celle de sportif de haut niveau ?

J’ai développé une autre activité où je fais des conférences dans les entreprises. C’est drôle que vous posiez cette question car les gens sont très intéressés par cela, ils veulent savoir les passerelles entre le monde du sport de haut niveau et celui de l’entreprise. J’ai une grande chance d’avoir cette occupation professionnelle car, pour un sportif, quand la lumière s’éteint, c’est dur. Le rugby, c’est tellement intense en bonheur, tristesse, tensions et rencontres. Avec mes activités, j’ai trouvé le bon secteur pour trouver quelque chose qui y ressemble. Alors non, il n’y a pas 90.000 personnes comme dans les stades mais cela nous apporte des émotions aussi.

Propos recueillis par Laura Berlioz