À l’initiative du Seynois François Viette alias Ducobu et à l’occasion de la rediffusion de « Les vacances de Ducobu » (sorti en 2012) au Six n’étoiles de Six-Fours en août dernier, Élie Semoun est venu nous rendre visite au soleil. Rencontre…
Il est 19h30 ce jour d’août et je suis coincée dans les bouchons sur le port de La Seyne, mais je me dis que je suis laaaaaarge. J’ai rendez-vous à 20h sur la terrasse de l’hôtel Rives d’Or aux Sablettes avec Élie Semoun et le petit François Viette… Enfin petit, faut le dire vite, il a bien grandi le garçon depuis la sortie du film ! (Mais ça je ne le saurai qu’après, quand je serai arrivée biiiiiien en retard). J’arrive crispée donc, mais je suis vite détendue par l’accueil chaleureux des deux compères. Pas de doute, l’ambiance sur le plateau devait être joyeusement dissipée… « Vous sentez le monoï ! » Ben oui c’est les vacances quoi, je soigne l’ambiance estivale ! Mais on est là pour bosser… Et comme c’est aussi les vacances, je leur ai préparé une interview « Devoirs de vacances »…
Quel genre d’élève étiez-vous ?
Élie Semoun : J’ai adoré l’école quand j’étais petit. Ma mère était prof de français. J’aimais faire rire, j’étais un élève déconneur, mais comme j’étais aussi un élève charmant, je passais entre les gouttes. On me passait beaucoup de choses.
François Viette : Un peu comme Ducobu…(rires)
Question de philo : Romain Gary a dit « L’humour est une déclaration de dignité, une affirmation de la suprématie de l’homme sur ce qui lui arrive. » Vous avez 4h…
Élie Semoun : Je trouve qu’il a raison. L’humour est un registre digne d’être respecté. C’est une obligation de faire rire les gens. En les faisant rire, on les fait aussi réfléchir, on dit des choses très importantes et très profondes.
François Viette : Je trouve que ce que fait Élie est très compliqué… Je suis très admiratif, je ne pourrais pas le faire, j’aurais trop peur que les gens ne rient pas à mes blagues ! Il faut avoir un vrai talent.
Élie, dans votre dernier spectacle « À partager », il y a un virage dans les sujets que vous abordez par rapport aux spectacles précédents, vous vous attaquez à des thèmes très actuels comme le mariage gay, le terrorisme… Quelle fonction peut remplir l’humour dans le contexte actuel selon vous ?
Élie Semoun : Pour moi, dans cette actualité anxiogène, l’humour est indispensable. C’est un devoir de citoyen. Je ne pouvais pas passer sous silence ces événements. Ce sont des sujets qui, a priori, ne sont pas drôles, mais on ne fait pas rire avec le bonheur, on fait rire avec les catastrophes. C’était le rôle des bouffons dans le passé, ils étaient les seuls à pouvoir dire des vérités sans risquer la pendaison.
Est-ce que vous vous mettez certaines limites ?
Élie Semoun : Aucune limite.
Question de littérature : Élie, vous êtes un des seuls à ne pas avoir succombé à la mode du « stand up », vous continuez de créer des personnages. Quelles sont vos sources d’inspiration ? Y’a-t-il un livre ou un auteur qui vous a marqué ?
Élie Semoun : Guy de Maupassant. Ses nouvelles sont des petits chefs-d’œuvre de philosophie. Son sens de l’observation des petits travers du milieu bourgeois et paysan m’a fasciné. Et en toute modestie, c’est ce que j’essaye de faire dans mes sketchs, en ciselant un moment, en parlant de choses intemporelles comme le racisme, le mensonge… les failles humaines en somme.
Question de maths : Vous avez souvent fonctionné en duo (Dieudonné, Franck Dubosc)
Est-ce que vous trouvez plus facile de faire rire seul ou à deux ?
Élie Semoun : Quand on est deux tout est divisé par deux et multiplié par deux. Le trac par exemple est partagé, et le plaisir de jouer est doublé. Certains soirs avec Dieudonné, on avait des fous rires incontrôlables, ou on se faisait des blagues, on inversait les rôles. Quand on s’engueulait, il se vengeait sur moi sur scène en me secouant dans tous les sens ! (rires). C’était super mais il faut aussi apprendre à être seul. Quoi que je ne suis jamais seul, je suis avec le public et surtout, mes personnages m’accompagnent.
D’autres humoristes vous donneraient l’envie de reformer un duo ?
Élie Semoun : Je suis très ami avec Gad (Elmaleh NDLR). On se donne beaucoup de conseils, on discute, on échange sur nos projets respectifs. C’est notre raison d’être de faire rire les gens. J’écris aussi avec Muriel (Robin NDLR), mais reformer un duo non.
Vous êtes polyvalent (théâtre, cinéma, doublage de voix, musique…), qu’est-ce qui vous pousse toujours à tenter de nouvelles expériences ?
Élie Semoun : Je ne calcule rien, je fais selon mes envies. Quand on est artiste, on a plusieurs cordes à son arc. Pour la musique par exemple, j’avais rencontré Henri Salvador et Keren Ann et il y a eu tout de suite une alchimie. J’avais envie d’exprimer certaines émotions autrement que par l’humour. Pour l’instant je me consacre au spectacle, que j’aime beaucoup. Mais j’aime varier les plaisirs.
François, quel souvenir gardes-tu de ce tournage ?
François Viette : Je me souviens de la première fois où j’ai rencontré Élie, j’étais un fan absolu. Quand j’ai entendu sa voix dans le couloir, je me suis mis à trembler de tous mes membres ! On a beaucoup ri sur le tournage. On a gardé une belle complicité et on se revoit souvent, je vais voir tous ses spectacles.
As-tu d’autres projets ?
François Viette : Pas pour l’instant, je rentre en 1ère cette année, je me concentre là-dessus mais ça me plairait beaucoup de renouveler l’expérience si on me le proposait !
L’entretien touche à sa fin, direction le Six n’étoiles pour aller une dernière fois à la rencontre du public avant la diffusion du film. Tout le monde se lève, je ramasse mes affaires, Élie me sourit et me tend la main. J’ai les mains pleines, je galère, je fais tout tomber, il me lance « on a qu’à se faire la bise ! ». N’allez pas croire que j’étais troublée hein ! Mais un peu de douceur dans ce monde de brute ça ne se refuse pas…
Propos recueillis par Hanna Vernet