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Rien à moitié, Victoire Gabriel

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Victoire Gabriel

Native de Perpignan, ce petit brin de femme vous transporte dans son univers parfois un peu sombre mais tellement vrai. Interprète et parolière, entourée de grands noms tel que le mélodiste François Bernheim, compositeur et producteur entre autre de Gérard Lenorman, Renaud ou Patricia Kaas… et Gaétan Boudy, un arrangeur aux mille facettes, elle sort aujourd’hui un premier titre “No Limit” issu de l’album Subliminal qui paraîtra, lui, en début d’année. Parfois aérien avec un son particulier, c’est certainement l’Album à ne pas manquer.

La musique, c’est venu comment ?
Au départ, je voulais être vétérinaire. Mais viscéralement, je me disais que je ferais quelque chose d’important dans la musique. Puis, à l’âge de 12 ans, j’ai eu un déclic. Petite, je faisais déjà partie des chorales, on m’avait repérée à l’école. Mes parents ont vu que j’aimais chanter. Alors j’ai pris des cours. Je n’ai jamais eu une voix extraordinaire mais j’aimais chanter, j’aimais donner et partager.

La musique, c’est dans tes gènes ?
Je ne sais pas si c’est dans mes gènes. Mes deux grands-pères étaient compositeurs, pas de renom, mais dans leur région. Mon grand-père de Perpignan a composé par exemple la musique du village, et mon autre grand-père, c’était plus l’écriture, il avait des tonnes de cahiers d’écriture. C’est aussi quelque chose comme une femme qui désire viscéralement être enceinte. Et là, je me suis dis je ferai quelque chose dans la musique, je ne sais pas comment mais quelque chose qui va marquer mon temps, mon histoire.

Victoire Gabriel - Limpact

Auteur, pas compositeur ?
Non, pas compositeur car malheureusement je n’ai pas été sérieuse au piano et donc je pianote mais je ne suis pas capable de composer. Les petites compositions que j’ai pu faire et qui accompagnent mes textes n’étaient pas du tout à la hauteur de ce que je voulais car j’aime l’écriture. Je n’ai pas ce talent malheureusement.

Qui sont tes références ou influences ?
Mes idoles : Gainsbourg et Bashung. J’ai eu la chance d’aller les voir en cachette quand j’était toute petite avec mon grand-cousin alors que j’étais en vacances chez ma tante à Paris. L’univers gainsbourien me plaît énormément, j’aimais sa liberté. La liberté d’aller au bout, d’oser, d’être soi, la liberté telle que je la conçois… Et bien sûr une mélodie qui me parle terriblement, me touche. La plupart de ses chansons, je les aime parce qu’elles peuvent être aussi tristes que drôles, festives, nostalgiques, mélancoliques. Je pense que je suis tombée amoureuse de ce personnage. C’était un génie. Après, Bashung, j’aime bien, mais c’est autre chose. “Oser” a été fortement inspiré d’une de ses chansons, “La nuit je mens“ que j’aime beaucoup.

La famille, les amis, c’est important ?
La famille : essentielle, un socle inébranlable. Mes amis, ils ont mon sang et j’ai le leur. L’amour, c’est entièrement, complètement. Mes copines se sont longtemps moquées de moi car je ne sais pas faire les choses à moitié. En amour, je donne tout mais par contre je suis peut-être un peu exigeante. Pour moi l’Amour, c’est vital, que ce soit pour ma famille, mes amis, les animaux… Avec un homme, c’est un abandon total. J’ai des défauts et des qualités, mais j’ai cette chance, même si malheureusement elle me dessert parfois, d’être sensible et émotive. L’amour, je ne le conçois que dans la sincérité, le pur, le grandiose.

Tes moments à toi, c’est comment ?
J’aime bien la solitude. J’aime bien me retrouver soit devant un bon film soit en lisant un bon bouquin, ce que je fais de moins en moins malheureusement. En revanche, je me suis faite attraper par les séries. J’aime beaucoup me balader dans Paris aussi. Ça peut aussi être n’importe où, ça dépend de ce qu’il se passe dans ma tête. Je peux être dans le plus bel endroit du monde, si dans ma tête, ce n’est pas le moment, il ne se passera rien.

Ta dernière folie ?
Oser aller au bout de cet album, mettre tout en œuvre pour qu’il fonctionne et faire des tournées. Je pense qu’il faut être un peu fou pour aller faire des concerts, des festivals… Il faut avoir un brin de folie pour s’exposer comme ça. Aller au bout de ce projet est une folie, pour moi.

Ton dernier jour sur terre ?
Entourée de ma famille, de mes amis et de mes animaux, évidemment.

Victoire Gabriel No Limit - Limpact

No limit l’album

Par chance j’ai eu la possibilité d’écouter l’album dans son intégralité et… paf l’album. Des textes puissants très loin perché un son unique, très aérien et si près de vous. Du Daho, du Bashung, du Gainsbourg et la surprise en écoutant bien du Daft Punk. Décryptage titre par titre.

No Limit : abandon total, soumission, un maître, le corps, par amour, dépassement de soi. Ta carrière a commencé grâce à tes parents qui ont cru en toi. Puis le conservatoire. As-tu trouvé ton maître?
Je l’ai eu à un certain temps, oui. Il m’a beaucoup inspiré bien évidemment, mais ça a été une période, une époque. C’est indiscret comme question ça (rires). Je suis très extravertie et très pudique. Je pense qu’on peut oublier son orgueil, on perd et on gagne, on touche dans la passion totale, l’abandon total. On touche aux étoiles, à des sphères et à des mondes inconnus, tellement puissants comme avec de la drogue. Je ne fais pas l’apologie de la drogue loin de là, c’est juste pour vous donner un exemple.

Oser : l’attente d’une personne, être transcendé, exalté, tout se permettre, recherche d’un être. Qu’oserais-tu pour un homme ?
J’oserai enlever mon armure. Ça rejoint “No Limit”, être totalement moi-même. Ce titre, en fait, je parle à quelqu’un, à une personne et à beaucoup de personnes en même temps. Va au-delà du politiquement correct, va au-delà de ce que tu es, pour enfin te reposer finalement et toucher ce que tu es. Accepte de dire et de faire les choses en étant à nu. Je m’adresse aussi au public, aux gens et je leur dis levez la tête du guidon, osez une introspection, osez essayer, osez toucher. Osez être vous, assumez-le et revendiquez-le.

Victorie Gabriel - Limpact

Fuck you : l’image, jouer de sa personne, jamais une petite fille si sage, le vrai, le faux. Quelle petite fille es-tu ?
J’étais la petite fille qu’il fallait être et que la société attend, que les parents attendent, donc faire ce qu’il faut comme il faut. A un moment donné, pour moi comme pour d’autres, il y a eu une grosse remise en question qu’il a fallu assumer. C’est-à-dire que quand tu as à peu près compris qui tu es, il faut pouvoir l’assumer, l’accepter jusqu’à le revendiquer. Il y a de la provocation dans ce truc-là, parce que je veux tellement le faire passer que je le revendique et je dis fuck you je suis comme ça. Là, j’ai envie d’être moi et d’oser être moi, d’aller au bout de mes rêves. Sans doute que pour certaines personnes c’est facile, mais pour moi ça ne l’est pas.

Canicule : la peau, le sexe, les sens, sans prudence, jouissance, ivresse. Pas d’interdit quand deux corps se trouvent ?
Je ne peux pas dire ça comme ça. Ça fait partie de l’histoire du mythe. Sans prudence, il faut le prendre dans le sens où tout le monde se barricade. On enlève sa ceinture de sécurité. Je ne sais pas pourquoi j’ai ce besoin viscéral de liberté si fort, d’être moi-même. J’ai été tellement étonnée sur le parcours de certaines personnes pour lesquelles j’ai découvert, en grattant sous le vernis, qu’elles étaient totalement à l’opposé de ce qu’elles montraient. Je trouvais ça dommage de vivre toute une vie sans abandon, ou en mettant la plupart du temps une ceinture de sécurité. Si tu tombes, tu tombes, après tu remontes, ce sont les expériences de la vie.

Border line : questionnement sur l’abandon et ses limites, oui ou non, basculer ou pas. Quelles sont tes limites ?
J’ai passé des périodes où je n’avais pas de limites. Je sais que c’est choquant. Pour moi, là où il y avait une limite, je me disais c’est pas grave, j’enlève la ceinture de sécurité, je passe au feu rouge. Border line c’est aussi un titre particulier. Je voulais qu’il rassemble les personnes dites border line, qui ont un certain état d’esprit, qui se posent tout un tas de questions. Il y a toujours un fil conducteur qui est de se dépasser et toucher l’essentiel de son être. Et si on est vraiment border line, il faut l’accepter. En fait le fil conducteur, c’est ne fuit pas qui tu es, soit ce que tu es, aimes ce que tu es, vis qui tu es.

L’endroit l’envers : on parle d’émotion, des sens, de dégustation, de jeux à deux. Quel est ton côté préféré ?
La sincérité (rires). Elle a vraiment double sens cette chanson, je parle de la femme qui parle avec son langage et l’homme qui parle avec le sien. J’entends l’endroit, j’entends tes mots, pourquoi je vois l’envers ? On a un langage bien différent. Après bien sûr en-dessous il y a le corps.

Colore : la recherche d’un homme, d’un mâle, angélique ou maléfique (Bardot). Tes rencontres plutôt ange ou démon ?
Les deux. On est tous plusieurs dans notre corps. On a tous une partie sombre et une autre lumineuse. Si on arrive à enlever tout le monde autour et qu’on arrive à n’être que deux, c’est déjà pas mal. Honnêtement, je pense que le quotidien n’est pas facile à vivre pour tout le monde et qu’il faut s’accrocher. Un petit peu de couleurs dans notre existence à travers des rencontres, du sexe opposé ou non, ça fait du bien.

Victoire Gabriel devant La Grande - Limpact

La Grande : petite, grande, monde de la nuit, exposition au regard ? Quelle est grande fille es-tu ? Le jour petite mais la nuit ?
A la base, c’est un hommage à la Tour Eiffel. Bien évidemment, vous, les hommes n’avez pas compris ça. J’ai eu un coup de foudre. Cette chanson est véridique. J’étais à Paris, dans le 7e arrondissement, sur les toits de Paris, tout à coup, la Tour Eiffel, s’est éclairée et j’ai ressenti quelque chose de très très fort et la chanson est venue toute seule. Mes chansons sont toujours à double ou triple facettes et je ne veux pas rentrer dans la facette dans laquelle tu veux me faire rentrer (rires). Je suis hyper pudique. Mais à ce moment précis oui avec la Tour Eiffel ça a été le coup de foudre. Ça s’est produit une fois.

L’eau à la bouche : reprise de Gainsbourg, toujours dans le thème de l’album, pas farouche. Qui te met l’eau à la bouche ?
Je voulais lui rendre hommage. C’est son premier tube chanté par lui car il n’osait pas chanter. Ils écrivait pour les uns et pour les autres, personne ne croyait en lui… et enfin il chante un tube qui est «l’eau à la bouche». Je la trouve drôle, à multiple facettes et elle colorie bien l’univers de mon album. Plein de choses me mettent l’eau à la bouche, en particulier monter sur scène. Il y a l’adrénaline. Mon premier concert, j’ai eu des moments de grâce et ça me met l’eau à la bouche. Je fais le maximum pour garder les yeux ouverts afin d’avoir le plus possible l’eau à la bouche.

Mal o monde : misère, manque d’amour, décalé. Quel est ton monde ?
Ça dépend des jours, des semaines et des mois. Il est toujours différent et c’est ce qui le rend pas évident à vivre. Il y a des jours, quand je vois ce qu’il se passe, je pense qu’il faudrait être un monstre pour ne pas être touché par une ou plusieurs causes que ce soit pour notre pays ou pour la planète. Je parle de plusieurs choses, de l’immigration clandestine, de retrouver une autre terre, de toute cette misère qui, quand je l’entends ou la vois me bouffe les entrailles. Je parle de ces gens qui cherchent l’eldorado à tout prix en venant dans des pays industrialisés comme le nôtre, de ces matins gris où je peux me lever et en 5 secondes, pleurer devant mon café parce que c’est gris dans ma galaxie.

J’ai ressenti cet album un peu comme une femme qui est à la recherche de quelque chose et qui veut se donner. Ai-je bien résumé ?
Oui, je ne sais pas être plus concrète et plus précise mais c’est une bonne définition.

Et toi cette interview ?
Très bien et compliqué à la fois. Je dois avouer que j’ai du mal à me livrer et c’est la première fois que quelqu’un ose me questionner de la sorte.

Propos recueillis par Manouk B