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C’est le printemps ! Le moment ou jamais de cultiver notre jardin…

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En effet, quelle meilleure saison pour faire fleurir notre âme comme dirait Proust, mais aussi pour faire un grand ménage de printemps dans notre vie…

En effet, si Voltaire nous disait au 18ème siècle de « cultiver notre jardin », ce n’était pas pour manger bio. C’était avant tout pour nous dire qu’il faut apprendre à être soi. Un chemin compliqué, semé d’embûches et pourtant, à mon humble avis, indispensable.

Et quel meilleur moment dans l’année pour une remise en question que le printemps ? Car on a tendance à oublier que nos mots et expressions sont lourds d’un sens qui nous échappe souvent parce qu’on les utilise « à tout bout de champ » – d’ailleurs on pourrait s’arrêter sur celle-ci aussi, qui fait référence au travail incessant et répétitif du paysan et qui est devenue aujourd’hui l’expression de l’action répétée sans cesse – jusqu’à les vider de leur substantifique moëlle. « Un grand ménage de printemps » par exemple. Pourquoi le printemps ? Pourquoi pas « un grand ménage d’automne » ? Après tout, les feuilles mortes se ramassent bien à la pelle en cette saison-là.

Si un coquelicot peut trouer le bitume, tout est possible - Limpact

Et bien parce que le printemps est la promesse d’une renaissance. La nature refleurit, on batifole de la plume comme dirait l’autre. Et ce n’est pas pour rien. Car tout « homo modernus » que nous soyons, nous sommes quand même bel et bien intimement liés à cette planète et à ses cycles. Alors pourquoi ne pas nous laisser bercer, au moins le temps d’une saison, au rythme millénaire de notre belle planète, qui a, en plus, la bienveillance de continuer à nous offrir les printemps les plus beaux alors que nous, on la viole « à tout bout de champ » justement. Ce pourrait être un genre de trêve printanière, où l’on n’aurait qu’à profiter du soleil qui revient, et des oiseaux qui continuent de chanter malgré tout, faisant fi des horreurs qui nous incombent. Une invitation à l’insouciance et à un retour à l’enfance, que nous pourrions vivre lovés bien au chaud tout contre Mère-nature. Car il n’y a que les mères pour pardonner inlassablement tout le mal qu’on leur fait. Profiter de ce pardon. Redevenir ce fœtus que nous fûmes, tout recommencer, tout réapprendre, pour enfin devenir meilleurs, devenir nous-mêmes. Et cultiver ce précieux jardin qui nous offrirait à chaque saison son lot de surprises et de beauté, ses couleurs et ses humeurs, ses ciels blancs, gris, bleus, vanilles. Retrouver les sens, nos sens perdus, cachés, oubliés, malmenés. Réveiller notre ouïe, notre odorat, notre vue… Mais pour cela, pas besoin d’un travail éreintant. Il suffit juste de prendre le temps. Car je ne sais pas vous, mais moi, bien souvent, j’ai l’impression que c’est le temps qui me prend : des minutes, des heures, des jours qui paraissent insignifiants, vidés de leur substance première. Et si nous décidions que c’était à nous de prendre le temps, de regarder fleurir une fleur (oui je sais c’est cliché, en même temps que celui qui ne l’a jamais fait me jette la première pierre !). Tiens ce matin même, j’ai remarqué un coquelicot qui s’était frayé un chemin dans le béton. Si un coquelicot peut trouer le bitume, tout est possible. À nous de faire des trous dans le béton et la grisaille de nos vies pour laisser percer un peu de lumière… Juste de quoi regarder le printemps en face, dans la sérénité et la plénitude qu’il nous offre. Trouer le temps pour se ménager des instants de poésie au milieu des obligations. Je ne vous dis pas d’écrire des vers, mais seulement d’observer combien le monde est empli de magie. Et c’est au printemps que le magicien nous livre ses tours, et si nous sommes assez attentifs, nous pourrons peut-être recréer l’illusion pour le restant de l’année.
Alors sortons, il fait beau ! Oublions nos lunettes de soleil et fixons le soleil jusqu’à ce qu’il nous perce la rétine ! Profitons des véritables couleurs du monde, regardons-le sans filtre… Car il n’y a que comme cela que nous réussirons à faire fleurir notre âme, et une âme qui a fleurie une fois, s’en souvient pour toujours, et cela suffit pour faire du reste de nos vies, un printemps perpétuel…

Hanna Vernet
Crédit photo : boris drenec