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De vous à moi, Michel Drucker

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Michel Drucker

Une légende, un mythe, un homme programmé pour durer. Vous, moi, avons tous été bercés par cet homme qui nous aura tout fait. Du commentaire sportif, des émissions pop, du talk, de l’interview… Et maintenant du one-man-show. Qui plus que lui pourrait prétendre venir devant vous pour se mettre en danger ? Personne. Cinquante ans de télé, c’est un roc, un pic, un cap, plus qu’une péninsule : une bible à cœur ouvert. Alors, que dire, que faire lorsque la possibilité de passer un moment avec un monument vous est offerte ? Et bien, j’ai essayé de mettre mon trac de côté, je me suis assis comme un enfant et là, d’une intelligence redoutable, j’ai posé une première question à laquelle personne n’aurait pensé : “Comment allez-vous ?”. Réponse : “Ça va vite”.

Tout démarre par votre enfance…
Je l’ai écrit dans “Qu’est-ce qu’on va faire de toi ?”, ce n’est pas un bon souvenir. Dans une famille d’excellence, mon père voulait que ses trois fils soient des champions. Mon frère était un très grand patron, il a fait l’ENA, il a été à la télé, il a dirigé RTL, il a créé M6. Mon jeune frère est un grand médecin et moi, j’ai voulu apprendre la vie sur le terrain. J’ai voulu me fabriquer de mes propres mains et j’ai quitté l’école à 17 ans.

Et votre adolescence ?
Ça ne s’est pas bien passé à cause de ça. Je suis parti à 17/18 ans, j’ai pris le train en me disant que je reviendrais lorsque j’aurais réussi quelque chose. Et là, j’ai commencé à gagner ma vie.

L’épanouissement s’est fait à 20 ans ?
La décennie où j’ai la chance de rentrer à la télé. Je suis au service des sports, je suis stagiaire de Roger Couderc, de Robert Chapatte, de Léon Zitrone. J’apprends le job et l’aventure commence. Et je me dis “quelle chance”.

Avez-vous été programmé pour durer?
C’est une obsession. Que ce soit en amour, en amitié, la famille, la santé, une vie longue et surtout, ma priorité est le travail, avoir une carrière qui dure. Pour cela, il faut prendre soin de soi, de son corps pour combattre la peur de vieillir. Ne pas commettre de sorties de route festives pour éviter de raccourcir la durée. Oui, pour répondre à votre question, la durée fait partie intégrante de ma vie. Je suis un marathonien.

Votre vie est-elle stimulante ?
J’ai une vie assez triste. Si on suivait ma vie, je travaille tout le temps, je ne sors pas beaucoup, je reste chez moi, je vois tous les spectacles, je lis beaucoup, je n’ai pas une cour autour de moi, je fais du sport pour me maintenir en forme et je travaille beaucoup. Mais rien de bien extravagant.

La place de la famille dans tout ça ?
La famille, elle suit. Ma fille, qui a 55 ans, me met en scène. Elle est décoratrice. C’est la sœur de Jean-Michel Jarre, parce qu’ils ont eu le même papa. Ma femme était comédienne, ma nièce Léa Drucker est une comédienne reconnue qui vient d’avoir un César. Mon frère a été le patron de M6. Il n’y a que des saltimbanques dans mon environnement. Ma nièce Marie, elle, est à la télé. Ce qui fait que la famille comprend très bien mon job. Et si j’ai réussi ma famille, c’est parce que chacun dans notre famille connaît très bien ce métier.

Le mariage, vous y croyez encore ?
A chaque fois qu’on me demande de quoi je suis le plus fier, après 56 ans de carrière, c’est d’avoir gardé la famille groupée et que mon métier ne l’ait pas faite exploser. Je suis marié à la même femme depuis 1972, c’est Claude François qui me l’a présentée. Elle connaît mon job, elle était connue avant moi. Ma femme, je ne la vois jamais. Elle a été dans la lumière avant moi, toute jeune. Elle est passée dernièrement dans une émission de Laurent Ruquier, pour lui faire plaisir, mais c’est la seule fois. C’est vrai que je ne suis pas mécontent d’avoir réussi tout ça parce que je suis marié depuis 48 ans. Qui est marié depuis 48 ans aujourd’hui ?

Michel Drucker ©Pascalito

Les échecs ?
Pour l’instant, je n’ai pas eu tellement de contre-performances. Je touche du bois parce que ce qui m’est arrivé est miraculeux. Il y a deux ans quand on a arrêté Vivement Dimanche, j’avais l’impression qu’il fallait faire la place aux jeunes. On a viré tout le monde, tous les plus de 60 ans. Le dernier en date c’est Patrick Sébastien et je me suis dit : “t’es le plus vieux donc c’est ton tour et à la limite, merci le bon Dieu de m’avoir permis de faire cette carrière”. Qui est là depuis 55 ans aujourd’hui ?

La réussite ?
Ce que j’ai fait, je l’ai fait sans diplôme. Je suis parti de très très bas et j’ai beaucoup, beaucoup, beaucoup travaillé et beaucoup plus que les autres. Je travaille énormément parce que c’est ma passion. C’est souvent le cas de ceux qui sont autodidactes, qui n’ont rien fait quand ils étaient gamins. Quand j’ai commencé à me mettre au boulot à 19 ans, je peux vous dire que je n’ai pas arrêté. J’ai bossé entre 12 et 15 heures par jour pendant 30 ans. Et même maintenant, je continue de travailler 10 heures par jour. Il n’y a pas de secret pour durer.

Le moment le plus important de la journée ?
Quand j’ai bien travaillé, que je me couche et que je prépare la journée du lendemain. Mes meilleurs moments de la journée ou de la semaine, c’est quand j’ai terminé les enregistrements de mes émissions. C’est quand je rentre le soir, que j’ai terminé tout ce que j’avais à faire et que tout est bien calé pour la journée suivante. Donc le soir, quand je vais dormir.

La France, vous aimez ?
Je viens d’Europe Centrale, mes parents ont été naturalisés en 1937. À l’origine, mon père était Roumain, ma mère Viennoise, l’empire Austro-hongrois. Mon père est arrivé en France dans les années 30, naturalisé en 37, donc vous imaginez si je suis fier d’être Français puisque mes parents l’ont été tardivement, en 37, et je suis né en 42. Donc évidemment, la France. Ça m’attriste beaucoup de voir à quel point on “la traite mal” parce que c’est le plus beau pays du monde.

On est les meilleurs ?
On a la meilleure médecine du monde, la meilleure couverture sociale du monde, la meilleure bouffe du monde, les meilleurs vins du monde, les meilleurs chercheurs du monde, les meilleurs avionneurs du monde. Airbus a devancé Boeing. On a les meilleurs spécialistes dans plein de choses, mais je ne suis pas certain que les Français s’en rendent compte. Tous les chefs d’Etats, les plus grands tyrans, où viennent-ils se faire opérer ?… En France.

La retraite ?
Quand je rentre sur scène, en ce moment, je dis aux gens : “Alors, ça va ? Où sont les retraités ? Vous avez tous vos trimestres? Ça s’est bien passé ? A taux plein ? Ok ! Quels sont ceux qui attendent la retraite?” . Et bien moi, je suis désolé mais je ne la prendrai pas ma retraite, ce n’est pas mon truc. Je travaille le dimanche, je travaille la nuit, je travaille tout le temps, c’est ma passion. Pour Macron, je dis que je suis un senior actif idéal et mon “âge pivot”, je l’ai fixé à 90 ans. Aznavour a chanté jusqu’à 94 ans. Hugues Aufray fait 50 galas par an et il a 90 ans. Line Renaud, elle, n’arrête pas de tourner, 90 ans. Polanski vient de faire un film à 86 ans. Et Lelouch commence son cinquantième film à 83 ans. Donc j’ai encore une sacrée marge.

Vous êtes plutôt douche ou bain ? Douche. J’en prends beaucoup.
Pyjama ou survêtement ? Survêtement, en vrai sportif.
Canapé ou couette ? Canapé le dimanche et couette en semaine.

Une carrière

Cinquante ans de carrière, ce n’est pas rien. Et tout ça grâce à la fenêtre d’une chambre qui donnait sur la voie ferrée. Le train Granville-Paris de 18h qu’il avait promis de prendre pour ne plus revenir. Avoir du culot, c’est bien ; être bien entouré, c’est pas mal aussi. Être patient est une vertu mais il faut surtout respecter l’ordre et le tempo pour durer et ça, ce n’est pas donné à tout le monde. Alors, quand vous conjuguez toutes ces qualités et que vous rajoutez la talent, l’abnégation, la persévérance, l’amour des autres, vous obtenez un cas d’école unique en son genre que l’on pourrait appeler la “druckérite”.

Si je vous dis “L’ORTF ? Ici Cognacq-Jay”?
Ce sont mes débuts en 1964 sous la houlette de Léon Zitrone dont je suis l’assistant, Pierre Desgraupes, Georges de Caunes, Roger Couderc… Je vis pratiquement jour et nuit sur place dans cet immeuble mythique. Puis les premiers commentaires sportifs et une première apparition à la télé dont mon père ne se remettra pas (rire).

Roger Couderc, Michel Drucker, Léon Zitrone - Limpact

Vous avez démarré comme commentateur sportif. Quel souvenir en reste-t-il ?
Une passion, un réflexe et surtout ça m’a appris à travailler ma mémoire. J’ai fait 5 Coupes du Monde. Celle de 1970, la dernière du Brésil avec Pelé qui a battu l’Italie 4 à 1. J’avais 26 ans et j’étais le plus jeune commentateur de la planète. Au Stade Azteca à Mexico, on me demandait à chaque fois mes cartes, mes laissez-passer, mon passeport… Ensuite, en 1974, j’ai commenté la finale en Allemagne, gagnée par l’Allemagne de Beckenbauer contre la Hollande de Cruyff. En 1978, en Argentine pendant la junte militaire, c’était vraiment spécial. Encore la Hollande de Cruyff battue par l’Argentine. En 1982, c’était en Espagne, avec le drame de Battiston et Schumacher. Et j’ai terminé en 86, au Mexique encore, à Guadalajara, en quart de finale. J’ai commenté le quart de finale entre la France de Platini et le Brésil. On s’est qualifié au penalty grâce à Luis Fernandez et on a été battu en demi-finale. Ensuite j’ai quitté ce métier. Donc pour répondre à votre question, il me reste de mon métier de reporter sportif : la mémoire.
L’envie de redevenir commentateur ne vous a jamais repris ?
On m’a demandé de reprendre en 1998. La Coupe du Monde était en France, je n’avais pas commenté depuis 12 ans, je faisais déjà une émission qui était le dimanche après-midi, ça me prenait beaucoup de temps. Le patron de l’époque était Marc Tessier, qui était mon président. Il m’a dit : “Il faut reprendre ça Michel”. Il m’a demandé ça en janvier, alors je lui ai répondu : “C’est d’accord mais il faut me libérer du dimanche pendant 6 mois ; il faut que je refasse le tour de l’Europe parce que les Français, évidemment, je les connais, mais les équipes étrangères, non ; il faut que je me remette dans le coup”. Vous savez, une Coupe du Monde, c’est 500 joueurs. Comme il ne pouvait me libérer qu’au mois de mai, j’ai eu peur (la Coupe du Monde étant en juillet) de ne pas être dans le coup. Parce qu’entre temps, il y avait une équipe de Canal Plus qui venait d’arriver avec de très bons commentateurs. Platini m’avait dit : “Si, vas-y, tu es un bon consultant, tu vas être dans le coup, tu en as dejà commenté cinq”, je lui ai répondu que je n’avais pas commenté depuis 12 ans et je n’y ai pas cru. J’ai pensé que je ne serais pas au niveau et je l’ai beaucoup regretté parce qu’on a gagné avec Zidane.

Vous êtes passé à la variété avec le cœur ?
Oui, j’ai commencé tôt, en 1972 et c’est Claude François qui m’avait un petit peu poussé à ça. Et en 1974, j’ai continué avec Les Rendez-vous du Dimanche, puis ça s’est enchaîné et j’ai été obligé de quitter le sport assez vite, justement au moment de la Coupe du Monde de 86, parce que je faisais déjà Champs Elysées depuis trois ans et c’était incompatible du fait que l’émission était le samedi et le métier de reporter sportif, c’est le week-end. Donc, j’ai commencé une autre carrière.

Champs Elysées, c’était la trentaine, le bel âge ?
Les années Champs Elysées : de grandes années, une décennie très importante. Après, une incursion sur TF1 pendant cinq ans, c’est Stars 90 dans le privé. Puis il y a eu cinq années en access prime time avant le journal avec Studio Gabriel. C’est à ce moment là que j’ai connu Laurent Gerra et ça été très important d’être là, tous les jours pendant cinq ans.

Champs Elysées émission emblématique de Michel Drucker - Limpact

Les grands shows, les monstres sacrés ?
Les grands shows comme ça, j’en ai fait beaucoup, pendant des années, le samedi soir. Je les ai faits avec Johnny, Céline Dion, Sardou, Lama… Avec tous ces grands-là et avec Ferrat. C’est vrai qu’il n’y en a plus beaucoup maintenant, des monstres sacrés. Il y a encore Bruel, bien sûr, Jean-Jacques Goldman est parti. Il y a encore Julien Clerc, mais toute la génération qui faisait les vedettes de mes grands shows, des émissions Champs Elysées, ils ont 70 ans maintenant : Souchon, Cabrel… En revanche, j’ai une nouvelle génération qui est arrivée et qui vient me voir, avec qui j’ai de bons rapports. La génération Disco, la génération Pokora, la génération Jenifer, la petite Angèle, les rappeurs, Vianney…

Toutes ces émissions pop, c’était des rendez-vous qui n’existent plus ?
Oui, c’était des rendez-vous mais maintenant c’est très très compliqué. Pour des raisons économiques tout d’abord, parce qu’il y a tellement de chaînes. La seule grande émission de divertissement grand public qui a la plus de succès, c’est le concert des Restos du Cœur, une fois par an. Taratata aussi, dans un autre registre et pour un public très particulier. Mais dans le monde entier, c’est la même chose. Je continue aujourd’hui d’une autre façon à recevoir des artistes mais pour parler de leur carrière, de leur actualité.

Puis vient la cinquantaine ?
Il y a 22 ans, je succède à Jacques Martin et je reprends le dimanche après-midi, Et depuis 22 ans, ça continue.

Si vous deviez choisir une décennie ?
30/40 ans, la décennie Champs Elysées et la première décennie de Vivement dimanche, quand les politiques sont venus, quand tout le monde est venu. Mais je pense que le meilleur est à venir. Celle que je préfère, c’est la prochaine décennie qui arrive. Donc c’était de décennie en décennie mais vous savez, Lelouch, qui est un ami, quand on lui demande ce qu’il pense de moi, il a une formule qui résume très bien ma carrière: “Michel, c’est un tardif qui a commencé tôt”. J’ai commencé tôt, mais ça a été progressif et j’ai surtout fait plusieurs métiers. Parce que je peux vous dire qu’être reporter sportif et présenter Champs Elysées, ce n’est pas du tout le même métier. Et là, sur scène non plus.

Après toutes ces années, vous arrivez encore à y trouver du plaisir ?
La passion est restée intacte, parce que ça change et que le jour où il y aura lassitude, ça se verra. Ce qui me stimule par dessus tout, c’est que je me suis lancé sur scène, il y a trois ans. Vous imaginez, à mon âge, commencer une carrière à plus de 70 ans ?

La vie est jalonnée de rendez-vous

Que ce soit avec l’amour, l’amitié, le professionnel… tout le monde a des rendez-vous dans sa vie. Mais il y en a qui restent gravés. Des rigolos, des cocasses, des manqués, des rêvés… tous ces rendez-vous font notre histoire et notre vie.

Votre plus beau rendez-vous ou celui qui a été le plus cocasse ?
En 1998, quand j’ai amené Johnny en hélicoptère au-dessus du Stade de France. Je suis un petit pilote d’hélico, j’ai pris un grand pilote avec moi et j’ai bataillé pendant 6 mois pour obtenir les autorisations. On a eu l’autorisation de faire un tour circulaire, la foule a vu arriver l’hélico et Johnny se faire déposer juste au bord du toit du Stade de France. Ensuite, le temps d’une intro, il descendait et allait sur scène. Johnny a toujours eu des entrées incroyables. Pour moi, c’était magnifique parce qu’amener la plus grande star française au-dessus du plus grand stade du monde par la voie des airs, ça c’est un souvenir très fort.

Johnny et Michel Drucker - Limpact

Des Johnny il n’y en aura plus ?
Johnny a laissé un souvenir tellement fort que son sosie vocal Jean-Baptiste Guegan fait autant de monde que lui dans les Zéniths. C’est un gentil garçon. Je l’ai reçu et ce n’est pas un imitateur. Les Français l’ont tellement aimé après deux ans, qu’ils vont applaudir en masse quelqu’un qui va leur rappeler leur idole à la perfection, le temps d’une soirée. Johnny, c’est comme Elvis Presley, il sera toujours dans les cœurs.

Un rendez-vous manqué ? Une personnalité que vous auriez aimé rencontrer et vous n’avez pas pu ?
J’aurais dû recevoir Mandela mais il était déjà trop fatigué. Sinon, j’ai reçu pratiquement tout le monde. Donc non, je n’ai pas de manque.

Michel Drucker et Pelé - Limpact

Un rendez vous rêvé alors ?
J’ai déjeuné récemment avec les parents de Mbappé et mon rêve c’est que Mbappé vienne passer un après-midi chez moi, j’en ai parlé à ses parents. Il y a deux trois stars que j’aimerai rencontrer, parce qu’il ne faut pas se tromper, pour moi les vraies stars ce sont les sportifs. Johnny étant à part. J’ai connu Pelé qui est un ami, Mbappé, Neymar ; à l’époque évidemment Cruyff, Beckenbauer, Zidane. Tous ceux-là, ils m’épatent. J’ai aussi d’autres idoles : les champions cyclistes, parce que le vélo, c’est ma passion. Je suis en admiration devant les sportifs de haut niveau parce qu’ils ne peuvent pas tricher.

One-man-show

Lorsque l’on a tout prouvé, il vous reste toujours une chose à faire. Vous le prouver. Que l’on soit une star ou un simple quidam, nous sommes avant tout des hommes et la seule solution pour être en paix avec soi-même, c’est se regarder dans la glace et se dire : “je suis allé au bout des choses”. C’est ce qu’a fait ce grand Monsieur.

Le one-man-show, c’était un passage obligé ?
Non, j’ai voulu savoir ce que c’est qu’être seul en scène, l’exercice le plus difficile du métier parce qu’il n’y a pas de musique, pas de partenaire qui donne la réplique, pas de musiciens, pas tous les artifices des chanteurs ; vous êtes seul. Seul avec les lumières, le petit décor, avec sa mémoire, ses mots et sa voix. J’ai voulu savoir, tout simplement.

Nouveau spectacle de Michel Drucker : De vous à moi - Limpact

Comment ça vous à pris ?
En Provence, dans mon jardin où j’ai écrit les premières lignes ; parce que j’ai tout écrit, je ne souhaitais pas faire appel à des spécialistes qui m’auraient imposé un rire toutes les minutes et demi. Je ne suis pas un humoriste, je raconte mon histoire, mes souvenirs, l’envers du décor.

N’est-ce pas une idée folle ?
Tout le monde m’a dit que j’étais fou, que je prenais des risques à mon âge avec tout ce que j’ai prouvé. Je me suis dit : “Les copains du métier, les artistes, vont se demander ce que je viens faire dans leur jardin, ce n’est pas mon métier, je ne suis pas imitateur, ni humoriste, je ne suis pas un spécialiste du one-man-show. Les journalistes vont me “flinguer”. Enfin, troisième élément et pas le moindre, il n’y aura personne dans les salles”. C’est exactement le contraire qui s’est passé, à ma grande surprise.

Avez-vous pris quelques avis ?
J’avais demandé à Ruquier, à Luchini et ils m’ont dit que j’étais fou. Mais Ruquier m’a dit : “Ecoutez Michel, si vous avez vraiment envie d’y aller, il faut y aller maintenant parce qu’après, ce sera trop tard à votre âge et vous aurez de plus en plus peur. Allez-y et si ça ne marche pas, vous allez jouer devant 100 ou 150 personnes dans un petit café-théâtre, mais vous saurez ce que c’est. Et puis, imaginons que ça marche”.
Et ça a marché, j’ai fait 130 dates, j’ai même joué à l’étranger.

Vous en êtes à votre “deuxième tome” dirons-nous, vous y avez pris goût ?
Deuxième spectacle avec tout ce que je fais, c’est encore un an de travail. Si vous avez vue l’affiche, c’est la grande trouvaille de ce spectacle, et j’avais peur que ça ne fonctionne pas. Ça intrigue car on est deux Drucker sur scène, un sur un écran de télé, moi a 35 ans qui interroge Michel Drucker de maintenant, moi. Il l’interroge sur tout le temps de la rencontre et les gens n’ont toujours pas compris. Ils se disent que c’est incroyable. Ils me voient sur l’écran et imaginent que c’est moi il y a 35 ans et comme je l’interroge, ils se demandent comment il a fait, est-ce qu’il a enregistré ça il y a 35 ans au cas où ? C’est très troublant. Mais je vous laisse la surprise quand vous verrez le spectacle.

Ce spectacle n’est-il pas un rendez-vous avec vous ?
Oui, tout à fait. Quand j’arrive sur scène, on frappe au carreau (en fait c’est un écran de télé très large et très haut) et c’est moi à 35 ans qui apparaît, qui me salue et qui me dit : “Salut Michel, je suis sidéré, tu es encore à la télé, après toutes ces années.” Je lui répond : “Bah oui. Dis-donc quelle silhouette tu as avec ton petit brushing, ton petit costume pattes d’eph, t’es jeune”. Il me rétorque : “Toi, t’as plutôt pris un petit coup de vieux” ; et moi : “Dis-donc, je ne te permets pas, tu es à la télé depuis combien de temps, toi?”. C’est le début de mon spectacle. Il dit : “Moi ? Ça fait dix ans” et je lui dis : “Et bien moi, ça fait 55 ans, mon petit gars, donc la route est encore longue”.

Michel Drucker et Alain Delon - Limpact

Il vous reste encore des projets ?
Oui. Ça, c’est l’aventure de la dernière partie de ma carrière, j’ai joué mon premier one-man-show pendant 3 ans. Celui-ci, je vais le jouer au moins pendant 3 ans aussi. Et puis, le grand projet que j’ai, c’est avec TV5 Monde. Les téléspectateurs français l’ignorent (sauf les expatriés et les Français de l’étranger) mais ça fait 20 ans que mes émissions sont rediffusées dans le monde entier grâce à TV5. Depuis Champs Elysées.

TV5 Monde, c’est 350 millions de foyers dans le monde entier je crois ?
Oui. Et le nombre de Français qu’il y a à l’étranger, c’est incroyable. Les expatriés, avec l’Alliance Française, c’est incroyable, il y en a des milliers en Australie, trois ou quatre mille à Phnom Penh ; en Angleterre, n’en parlons pas. Dans le monde entier, il y a des Français et j’ai envie d’aller les voir parce qu’il y a très peu d’artistes français qui vont les voir, très peu de gens de télévision aussi. Et donc dans 2 ou 3 ans, j’ai envie d’y aller. Et puis, je continue le dimanche parce que ça marche toujours très bien. Les gens sont fidèles donc je n’ai vraiment pas à me plaindre car je ne devrais plus être là depuis un moment.

Un dernier mot ?
Ce qui me frappe, c’est que je reçois toujours quelques anciens mais maintenant, j’ai la petite Angèle, j’ai des rappeurs. Big flo et Oli, qui sont de Toulouse sont devenus des copains. Ce qui me touche le plus, c’est que les jeunes ne me considèrent pas comme un papy. C’est très étrange. Je fais partie de leur vie, de leur famille. Je ne me lasse pas parce que j’épouse les modes sans être à la mode. Je ne me fais pas larguer par la nouvelle génération.

Le canapé rouge de Vivement dimanche - Michel Drucker - Limpact

Péchés capitaux

Les sept péchés capitaux ? Quelle idée folle ! Qui peut penser que Michel Drucker ait, ne serait-ce qu’une seule fois péché ?

L’envie ? C’est l’envie d’avoir envie. C’est la chanson de Goldman pour Johnny. C’est l’envie qui est le moteur de tout. Avoir toujours envie vous permet de rester jeune.

La gourmandise ? Ce n’est pas mon truc. Je ne reste pas longtemps à table. La gourmandise, pour moi, ce sont les endives au jambon, un potage de légume et des pâtes avec du jambon avant de rentrer en scène. Malheureusement, j’ai raté le rendez-vous de la bonne bouffe, j’ai passé trop de temps à travailler et pas assez à table.

La paresse ? Je ne connais pas. Quand je suis en Provence et que j’ai trois semaines de vacances, il faut que je pédale tous les matins, il faut que je nage tous les soirs, il faut qu’un kiné passe une fois par semaine et que je pilote au moins deux fois par semaine parce que c’est ma passion. Je ne pilote plus les hélicos. J’ai passé l’examen et maintenant je pilote un petit bimoteur qui est basé à Avignon.

Michel Drucker et sa chienne Isia - Limpact

L’avarice ? Non plus. Si je n’avais pas des gens autour de moi, je n’aurais pas un rond. Mon père était comme ça. Ça n’a aucun intérêt d’avoir de l’argent si on n’aide pas les autres. Je n’en parle jamais, parce que je ne veux pas me servir de ça, mais ma grande satisfaction, c’est d’aider beaucoup de gens.

L’orgueil ? Non, je ne crois pas en avoir. Pendant deux ans, j’ai fait une parano, j’ai cru qu’on ne voulait plus de moi parce qu’on m’avait supprimé une grand partie du dimanche. Et je me suis dit que j’allais leur prouver que j’étais performant et deux ans après, on m’a demandé de revenir parce qu’on avait besoin de moi. J’étais assez content (rires).

La luxure ? Ça dépend de ce qu’on appelle la luxure. Je suis quelqu’un de très contrôlé ; pour une raison très simple, c’est que tout ce qui peut me diminuer physiquement, intellectuellement, me fatiguer, faire atteinte à ma santé, ce n’est pas mon truc. Je ne bois pas, je ne fume pas, je fais du sport. Comme je suis hypocondriaque, ce n’est pas mon truc.

La colère ? Je n’en ai pas beaucoup. J’essaye de la contenir, de la garder pour moi, de garder mon énergie. Il y a des choses qui me mettent en colère, évidemment. Le manque de générosité des gens qui ont les moyens de l’être, ça me met en colère. L’amateurisme me met en colère. J’aime bien les pros mais ça, c’est parce que j’ai grandi avec des pros.

Vous avez un péché secret, un défaut ?
J’ai un gros défaut, je suis très, très, très impatient. Il faut que ça aille vite, très vite. Je fais beaucoup de choses, sûrement beaucoup plus que les autres et je travaille vite. J’ai aussi raté un carrefour, celui de l’informatique. Je ne suis pas sur un ordi, je ne passe pas mon temps à faire des photos, aller sur internet, regarder ou être sur les réseaux sociaux Instagram, twitter, Linkedin, facebook… Ce n’est pas mon truc. D’ailleurs, je suis encore à l’ancienne, j’ai un Blackberry.

Michel Drucker Vivement dimanche - Limpact

Rencontre avec un géant

Juillet 2019. Un copain me demande de l’accompagner à Pertuis à un concert caritatif donné par Michèle Torr pour lutter contre la sclérose en plaques. “Tu verras, c’est sympa, il y a plein d’artistes et puis ça va te détendre”.

Tu es tout petit et dans le poste de télé en noir et blanc (oui les jeunes avant la télé c’était en noir et blanc, il n’y avait qu’une seule chaîne et tant mieux parce que quand il y en a eu deux c’est moi qui servait de télécommande), tu regardes avec ton père un match de foot avec des commentaires d’un certain Michel Drucker. Michel Drucker ? Tu savais toi, qu’il allait accompagner ta vie ? Et bien, il l’a fait, il a accompagné ma vie par télé interposée et ce ne fut que du plaisir.

Du plaisir chacun de son côté, lui fait des émissions, moi je les regarde. Puis tu te dis “ce serait sympa de pouvoir passer un moment avec lui, lui poser quelques questions, le mettre sur le grill comme il sait si bien le faire“. Mais à quoi bon, de toute façon, j’ai démonté la télé : il n’est pas dedans, il est dans ses studios, tranquille avec ses invités.

Michel Drucker - Limpact

Moi, de toute façon, j’ai ma vie, à l’opposé de lui sur son canapé rouge moi derrière la caméra, dans les câbles puis par je ne sais quelle technique ou magie dans mon canapé noir en train de le regarder et c’est comme ça depuis 50 ans et il n’y a pas de raison que ça change.

Sauf, que je me retrouve avec Michèle Torr en ce mois de juillet qui m’appelle et me dit viens que je te présente à un ami. Et bam, je me retrouve devant une légende vivante : Michel Drucker, oui Michel Drucker, mon Michel Drucker, le vrai, en chair et en os. C’est bizarre, il est comme à la télé, gentil, attentionné, avenant, enfin Michel Drucker quoi.

Nous discutons quelques instants et là j’ose tout, je me lâche “Monsieur Drucker, j’aimerais, si c’est possible, faire votre interview”. Là, tu te dis que tu en as trop fait, mais non “Bien sûr, avec plaisir, voici les coordonnées de Cathy, voyez ça avec elle pour caler un rendez-vous”. Cathy, ô Cathy, à cet instant tu deviens ma lumière mon guide, et quel guide. Cathy, une personne irremplaçable qui, après des mails, des textos, des appels m’a enfin obtenu le rendez-vous de ma vie. Vous savez, le fameux rendez-vous qui vous chamboule.

Donc après 5 mois d’échange avec ma Cathy, sur nos plannings respectifs nous trouvons une date pour un rendez-vous téléphonique, un jeudi de janvier à 10h du matin.

8h : je sors de ma douche, très important, c’est le moment où je réapprends à parler, un message sur mon répondeur. Aie ! C’est qui ? J’écoute… Boum ! Je tombe, c’est Michel Drucker qui parle à mon répondeur et me laisse ses coordonnées, incroyable.

Je vérifie que je suis bien réveillé et je rappelle. Répondeur. Je laisse un message à Michel Drucker. Incroyable. Quelques minutes plus tard il me rappelle. Incroyable. Et là, il me dit “Vous aviez demandé à faire une interview en tête à tête ?”, “Oui, c’est mieux pour nos lecteurs, plus vivant. Et vous verrez, mes questions sont un peu différentes”, lui réponds-je. “Alors, je vous invite, venez me rejoindre à Toulouse où je me produis deux jours”.

Toulouse, me voilà, je pars, j’arrive mais qu’il est loin ce pays, qu’elle est loin, l’eau verte du canal du Midi et la brique rouge des Minimes. Un torrent de cailloux roule dans ton accent. Ta violence bouillonne jusque dans tes violettes… L’église Saint-Sernin illumine le soir d’une fleur de corail que le soleil arrose… C’est peut-être pour ça malgré ton rouge et noir, c’est peut-être pour ça qu’on te dit Ville Rose… Voici le Capitole, j’y arrête mes pas… Si l’un me ramène sur cette ville, pourrais-je encore y revoir ma pincée de tuiles… ô Toulouse. Magnifique texte de Claude Nougaro.

Hôtel Pullman Toulouse pour la rencontre avec Michel Drucker - Limpact

Toulouse, 16h45 Hôtel Pullman, Michel Drucker est là. Il me rejoint, un thé vert avec du miel pour lui, un café pour moi. J’ai oublié de vous dire que je ne suis pas seul, j’ai ma moitié, celle qui ne me quitte jamais, votre mascotte Omerta. Et là, au lieu d’être fière et vous représenter et bien non, elle décide de s’engouffrer dans mon blouson et de taper une heure de sieste. Isia n’est pas là, Drucker connaît pas. Et puis mon idole c’est toi, bon ça c’est moi qui le dit.

Michel Drucker, ne s’apercevant pas de la présence de ma moitié, me glisse : “J’ai un petit souci de répétition, nous n’avons que dix minutes”. Toi, tu ne connais pas le Eric, et bien voilà nous sommes resté une heure ensemble et puis, avec toute la classe qui le caractérise, il m’a présenté sa fille, sa garde rapprochée et enfin Omerta s’est réveillée (normal c’était le moment des photos, une vraie fille, cette Omerta). Elle a pris la pause et fait son intéressante quand Michel Drucker lui a fait un câlin.

Michel Drucker, Eric Bagdadlian et Omerta - Limpact

Puis départ pour le théâtre, blocage à l’arrivée Omerta n’avait pas sa place, solution trouvée par l’équipe aux petits soins et là j’arrive à mon siège et stupéfaction. Mon nom est écrit sur le siège, vous le croyez ça? Un vrai spectacle, 1h30 de souvenirs, d’anecdotes et surtout cette mise en scène où Drucker jeune parle à Drucker… moins jeune. Un public conquis par ce grand Monsieur.

Ça se termine, il faut que je parte, que je rentre, comme Cendrillon. Sauf que non, on me récupère au vol. “Ne partez pas, monsieur Drucker veut vous voir”. J’attends quelques instants, il arrive.
“J’ai un cadeau pour vous, je vous présente Cathy, Cathy je te présente Eric”. Et voilà toute l’histoire de ce rendez-vous d’un vendredi pas comme les autres.

Merci Monsieur Michel Drucker, je dédie cette interview à Alec qui vient de naître, à Nino qui va naître et à mon fils, que votre façon d’aborder et de construire une vie leur serve.

Propos recueillis par Manouk B

Falaize Energie La Crau - Limpact