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Docteur Thierry – Mister Loulé

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Thierry Loulé expose ses toiles à la Galerie Estades, 18 rue Henri Seillon à Toulon, du 19 mars au 23 avril. Nous nous sommes rendus au vernissage de l’exposition, le 19 mars, afin de rencontrer cet artiste à fleur de peau, riche de sa double culture franco-portugaise et empreint d’une humilité qui lui permet de parler de sa peinture avec sincérité. Michel Estades a également échangé avec nous, saluant le talent de l’artiste.

Qu’est-ce qui vous a amené à la peinture ?
Dans ma famille, la fibre artistique était déjà présente avec mon grand-père qui était ébéniste-sculpteur d’art. Il était très talentueux. Malheureusement, je n’ai aucune de ses œuvres… Mon père dessinait très bien également. Et il est vrai que dès que j’ai su tenir un crayon, j’ai toujours dessiné.
Au départ, il n’y avait pourtant pas de prédispositions pour que je devienne un artiste. Je viens d’une famille portugaise où la valeur « travail » prédomine. Il était donc important pour mes parents d’avoir un métier pour assumer le quotidien. C’est toute l’histoire des émigrés portugais venus en France pour travailler. J’ai beaucoup d’amour et de respect pour mes racines. Le Portugal est un pays magnifique où j’aime retourner pour trouver la paix intérieure, me poser. Mais c’est l’association de mes deux cultures, portugaise et française, qui m’a fait tel que je suis.

Pourquoi votre double nationalité est-elle votre richesse ?
Le Portugal incarne mes racines, le courage de mes parents, leur pugnacité à s’intégrer en France. Et l’école de la République française m’a permis de m’exprimer à travers l’art. A Paris, j’ai visité les musées, j’y ai aussi pris des cours de dessins. A Toulon, j’ai suivi les cours des Beaux-Arts.
La peinture est venue à moi bien plus tard, mais elle est le fruit de ce mélange culturel.
Dès la maternelle, je me souviens que j’affichais mes dessins dans l’entrée, à la maison. Ce que j’aimais, c’était observer le premier regard que les gens posaient dessus et leurs réactions. Après, je ne voulais plus en parler. Aujourd’hui encore, les explications que l’on donne des œuvres me fatiguent et me semblent prétentieuses.
Ce sont les cahots de la vie qui m’ont amené à la peinture. Pourtant, cela me semblait être un monde inaccessible avec peu d’élus.
Encore aujourd’hui, ce qui me touche c’est ce que les gens voient au-delà de ma peinture, derrière. On m’a rapporté les paroles d’une jeune fille à qui j’ai offert le livre de l’expo : « Tu vois, c’est du gribouillage, mais il s’applique. Et ça sent bon sa peinture ! » Je trouve ça émouvant.

Thierry Loulé, portrait huile sur toile - Limpact

Qui êtes-vous lorsque vous peignez ?
Il y a un peu de Docteur Jekyll et de Mister Hyde en moi. Ceux qui connaissent mon appartement savent qu’il est propre et bien rangé. A contrario, quand on pousse la porte de mon atelier, on pense que c’est le diable qui y vit. Ma peinture, c’est la confrontation de ces deux personnages. Je pense qu’il faut être habité, avoir plein de monde dans sa tête, être multiple. C’est une richesse intérieure.
De mes parents, j’ai appris à ne pas me faire remarquer. Il étaient des étrangers émigrés : il fallait travailler et être discrets.
La peinture, par contre, c’est mon côté Rolling Stones : leur musique dérangeait quand ils ont démarré. Elle bousculait. Je trouve effrayants les gens bien rangés dont rien ne dépasse. Quelle place donnent-ils à l’émotion ?
C’est dans mon déséquilibre que je trouve l’équilibre.
Je trouve dommage que les matières artistiques soient toujours en bas du bulletin scolaire. L’Art – en ce qui me concerne : la peinture – est fondamental. Tout a été créé par la pensée et un crayon, sauf la nature.
Sans art il n’y a pas d’humanité.

Michel Estades, comment avez-vous connu Loulé ?
Il y a vingt ans, j’ai acheté une toile à Thierry pour ma collection personnelle. Par la suite, je l’ai rencontré à plusieurs reprises, et quand je voyais ses toiles je sentais que quelque chose bouillait. Il était évident que son talent allait mûrir. Quand on rencontre un artiste comme lui, on fonce. C’est assez rare pour être remarquable.
Nous avons donc commencé à travailler ensemble. Plus Loulé crée, plus il découvre son art et plus il y met son âme.
Depuis 2010, j’ai assisté à sa transformation. L’artiste que j’avais pressenti a éclos.
Le succès l’a libéré. A présent, il n’a plus peur de rien. Enfin…pas en peinture en tout cas !
D’ailleurs, au printemps 2017, il exposera à New York, dans une galerie d’Orchard Street.

Rendez-vous vite à la Galerie Estades, avant le 23 avril. Vous y trouverez des œuvres colorées, tout en texture, le trait affirmé et libre à la fois. Les titres que Loulé leur donne, « La fine fleur et la mauvaise herbe », « Un été framboise », « Le comptoir des heureux », nourrissent eux aussi votre imaginaire et vous laissent regarder au-delà, à travers une deuxième grille de lecture. Bon voyage au pays de Mister Loulé.

Propos recueillis par Karine Perrier