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Femme à cordes, Cécile Bonhomme

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Cécile Bonhomme Harpiste - Limpact

Un bac littéraire, des études de droit, de musicologie, le Conservatoire National de Nice… Puis en 1996, les récompenses. Tout d’abord, le bac avec mention, premier prix de harpe remporté à l’unanimité, prix de musique de chambre et de formation musicale… Un univers à plusieurs cordes, plusieurs accords, plusieurs notes, mais surtout un univers maîtrisé de bout en bout. Une femme reconnue et plébiscitée par les plus grands pour les occasions les plus grandes. Cette heureuse maman d’un petit garçon nous emmène dans son univers, tout en douceur.

Comment vous est venue l’idée ou l’envie de devenir harpiste ?
En fait, quand j’avais sept ans, je voulais absolument faire de la musique donc je tannais ma mère pour qu’elle m’inscrive au conservatoire. Mais je n’étais pas vraiment décidée à jouer d’un instrument en particulier. Ce qui m’importait, c’était de faire de la musique. Au départ, j’aimais beaucoup la flûte et ma mère m’a dit : “Pourquoi pas la harpe ? C’est plus joli !“. Et allez, c’était parti pour la harpe mais finalement, je crois que par la suite, elle a un peu regretté parce que c’est quand même beaucoup plus lourd, plus encombrant et beaucoup plus onéreux que la flûte. Mais voilà, j’ai accroché tout de suite et c’était le début de l’histoire.

La harpe, ça fait un peu coincé ?
Oui, c’est vrai qu’on a une vision très classique de la harpe parce que c’était un peu l’instrument de Marie-Antoinette. Il a une connotation ancienne, noble, bourgeoise. Alors qu’en fait, c’est un instrument qui peut être aussi très populaire, par exemple comme la harpe celtique qu’on retrouve dans la rue en Irlande, un petit peu partout. Donc ce n’est pas forcément un instrument bourgeois et coincé.

Cécile Bonhomme Harpsody Orchestra - Limpact

C’est une grosse guitare ?
Effectivement, il y a beaucoup plus de cordes puisque sur la harpe il y en a 47 mais ça reste un instrument à cordes pincées, de la même famille que la guitare. Cela dit, au niveau de l’écriture, on est beaucoup plus proche des pianistes c’est-à-dire que je peux récupérer pratiquement toutes les partitions des pianistes et les jouer à la harpe. On a une clé de sol, une clé de fa, la même écriture main droite, main gauche dans la répartition. Tandis que la guitare c’est différent comme technique. Pour le son, c’est comme la guitare, mais au point de vue technique et écriture, on est plus proche du piano.

De quelles façons la déclinez-vous ?
J’aime bien mélanger les styles de musiques et ne pas rester uniquement dans le classique mais aussi faire des rencontres avec de la musique jazz, de la bonne variété, tout ce qui est musique de film aussi j’aime beaucoup. Tous ces styles sont intéressants à jouer à la harpe, il y a des sonorités différentes.

Dans quel contexte jouez-vous ? Pour qui ? Sur quels sites ?
Alors, il peut y avoir énormément de contextes, je peux aussi bien jouer avec un orchestre dans une salle de concert tout à fait classique, ou jouer pour de grands événements, des mariages, par exemple j’avais joué pour le mariage du Prince Albert de Monaco… Il peut y avoir des concerts dans des petites églises ou des grandes salles de concerts, il n’y a pas de règle en fait, il y a plusieurs scènes.

D’où “Harpsody Orchestra“ ?
C’est un groupe que j’ai créé parce que justement, j’avais envie de mélanger le classique avec la pop, la soul et faire un mélange de genres. On est cinq musiciennes de formation classique : deux harpes, violon, violoncelle et flûte ainsi qu’une section rythmique qui est composée d’une batterie, une basse et une guitare électrique. On fait un mélange de styles et on accompagne un chanteur. Chacun apporte un peu aux autres sa philosophie de la musique et son histoire parce qu’on n’a pas du tout les mêmes formations. Les musiciens classiques, viennent souvent du Conservatoire, quelque chose de très strict, alors que les musiciens plus musiques actuelles ont une formation souvent plus autodidacte et on s’enrichit dans ce partage.

Cécile Bonhomme - Limpact

Vous travaillez également pour une association ?
Oui, j’ai travaillé pour une association qui s’appelle Harpe Diem. C’était pour faire de la musique avec des enfants autistes notamment, mais aussi d’autres pathologies, parce que je me suis rendue compte que ça apportait énormément et que souvent les enfants étaient très sensibles à la musique. C’est un autre moyen de communication donc, parfois, quand les mots ne passent pas bien, la musique peut prendre une place toute particulière. Ça peut être une autre forme de langage.

Si vous deviez convaincre quelqu’un de jouer de la harpe, que lui diriez-vous ?
Il ne faut pas convaincre avec des mots, il faut montrer l’instrument et le mettre entre les bras, ça vient tout seul. C’est ce que je fais dans les écoles avec ma harpe et ça plaît tout de suite.

Cordes sensibles

Vous avez commencé à 7 ans ?
L’apprentissage de la musique oui. J’ai toujours adoré le solfège alors qu’en général les gens n’aiment pas. C’était vraiment mon plaisir d’aller à la musique, que ce soit à mon cours de harpe ou mon cours de solfège. C’était mon moment à moi, mon identité.

La révélation c’est plus tard ?
Je devais avoir 13 ou 14 ans. Je me suis rendue compte que j’avais vraiment envie d’être musicienne parce qu’un de mes profs de solfège, qui a demandé à la classe s’il y en avait qui voulaient devenir musiciens professionnels et là j’ai levé le doigt. J’ai réalisé que, oui, c’était ça que je voulais faire plus tard.

Harpe et Guitare Cécile Bonhomme et Jean-Félix Lalanne - Limpact

A l’adolescence comment étiez-vous ? Plutôt normale ou rebelle ?
J’étais normale, voire trop normale même. J’étais très sage, très sérieuse, très perfectionniste, un peu trop stressée. Je regrette un peu de m’être mis autant de pression jeune, je suis plus heureuse et épanouie maintenant qu’ado.

Jouer dans le monde entier, c’est compatible avec une vie de famille ?
J’ai un petit garçon de 6 ans, mon p’tit cœur. J’ai une famille qui est présente et qui habite dans la région, à Nice aussi. Ma maman s’en occupe beaucoup et ça me permet de pouvoir faire mes concerts. Elle me le garde gentiment. C’est gérable parce qu’ils sont là sinon ce serait effectivement plus compliqué.

Vous êtes dans la fleur de l’âge, si je puis dire, comment voyez-vous la vie ?
C’est compliqué à dire parce qu’avec ce confinement ça a un petit peu changé les choses. J’avais tendance à être toujours hyperactive, à faire plein de choses et à ne pas supporter l’inaction. Mais c’est vrai que là j’ai eu plaisir à passer plus de temps avec mon fils et plus de temps à faire des choses personnelles pour la musique donc à faire des enregistrements, prendre le temps de déchiffrer de nouvelles choses… me recentrer un peu sur les miens et sur l’essence même de la musique. Des choses plus essentielles peut-être avec moins le côté paillettes et scène.

La famille, les amis, c’est un complément nécessaire ?
Oui tout à fait. Je ne suis vraiment pas une solitaire dans l’âme donc oui. Passer du temps avec mon fils parce ça grandit très très vite, en famille ou entre amis, c’est le complément nécessaire. Je ne supporte pas d’être seule même. J’ai beaucoup d’amis, pas que dans la musique, et je suis toujours partante pour une sortie, un resto…

Avez-vous des moments à vous, des moments secrets ?
Des moments secrets, c’est peut-être quand je travaille ma harpe parce que je n’aime pas qu’on m’écoute quand je travaille. Ce sont des moments personnels, intimes, finalement. J’aime bien travailler seule et c’est certainement le seul moment où j’aime être seule.

Cécile Bonhomme Harpiste - Limpact

A part la harpe, que détestez-vous dans la vie ?
Bonne question. Qu’est-ce que je déteste ? Je ne sais pas, la méchanceté, l’hypocrisie, mais bon c’est un peu banal de répondre ça. Mais je pense que c’est vrai, on est dans un monde un peu compliqué où l‘on a besoin de bienveillance et d’attention.

Avec ce qu’il se passe, que pensez-vous de : Liberté – Egalité – Fraternité ?
Je vais commencer par le dernier. La Fraternité, je crois qu’on en a besoin encore plus qu’en temps normal en cette période de crise. Je pense qu’il y a eu de beaux moments de solidarité qui se sont montrés à plein de niveaux. L’Egalité, on n’y est toujours pas. Je pense qu’au contraire la crise est justement révélatrice des inégalités. Et Liberté, on sort d’un mois et demi de confinement donc on va en avoir vraiment besoin.

Quel est le truc le plus fou que vous ayez réalisé ou que vous allez réaliser ?
Dans le passé, le plus fou je pense que ça a été de plaquer mes études de Droit, bien traditionnelles, bien standards, pour me lancer dans la musique. Et que je vais réaliser, je ne sais pas encore mais j’ai envie de prendre du temps pour voyager avec ma famille et ma harpe aussi. Faire des concerts un peu partout.

Quels conseils donneriez-vous à de jeunes musiciens ?
De ne pas écouter trop les gens qui sont pessimistes, qui disent que ce n’est pas possible, que c’est trop compliqué. Je pense que quand on a vraiment quelque chose et qu’on le ressent, qu’on a ce besoin de faire de la musique parce que finalement c’est un besoin, il faut essayer et je pense qu’il faut tenter sa chance en tout cas pour ne pas la laisser passer.

Jusqu’à présent, quel est votre plus beau rendez-vous ou votre meilleur moment ?
Mon meilleur moment ça a été la naissance de mon fils. On m’avait dit que je n’aurais pas d’enfant donc quand il est arrivé c’était un miracle.

Pour ou contre

La peine de mort ?
Contre.

La polygamie ?
Contre.

La mixité à tout prix ?
Contre.

Le mariage pour tous ?
Pour.

Le permis à points ?
Bof (rires). Pour.

L’euthanasie ?
Ah dans certains cas, très, très, très encadrés.

La cigarette ?
Contre.

Les cons ?
Contre.

Le confinement ?
Il était nécessaire, je pense, mais il y avait des façons de l’aménager de manière un peu plus souple et intelligente. Mais c’est vrai que c’est compliqué de faire pour tous quelque chose qui pouvait convenir.

Les vertus

Que pensez-vous de la foi ?
Je ne suis pas croyante mais je crois en la vie, en l’amour, en la musique. C’est un peu une sorte de foi finalement.

L’espérance ?
Il faut espérer, toujours.

La charité ?
Oui bien sûr, elle est en nous.

La justice ?
C’est très important pour moi et je pense que c’est pour ça que j’ai arrêté le Droit parce que finalement je me suis rendue compte que ce n’était pas toujours la justice qui triomphait et que parfois un vice de forme pouvait l’emporter sur la véracité du fond.

La prudence ?
Il en faut mais pas trop sinon ça bloque l’action.

La tempérance ?
Il en faut pour bien conduire sa vie.

La force d’âme ?
Il faut essayer d’en avoir, c’est très personnel. Ça remonte à l’enfance je pense. La confiance que l’on peut avoir justement pour avoir une force d’âme.

Des choses avouables ou pas trop

Avez-vous déjà menti à vos parents ?
Très peu, peut-être pas assez. Puisque je vous disais que j’étais trop sage.

Les gros mots ça fait du bien ?
Oh j’en dis oui. Je suis assez littérée de ce côté-là. JE suis du Sud.

Dire le contraire de sa pensée ?
Ah non, ça ce n’est pas possible. Ça se voit tout de suite quand je dis le contraire de ma pensée.

Pouvez-vous avouer votre dernier péché ?
Mon dernier péché, c’est la gourmandise. Je suis très gourmande.

Propos recueillis par Manouk B

Cécile Bonhomme Harpiste - Limpact

La harpe

Instrument de musique à cordes tendues, c’est l’un des instruments les plus anciens avec des origines qui remontent à la Mésopotamie (3500 avant JC). La harpe, dont le nombre de cordes varie en fonction des besoins musicaux est un instrument universel qui se retrouve sur tous les continents. La harpe à pédales, pour jouer en orchestres symphoniques ou musique de chambre reste la harpe la plus sophistiquée : 47 cordes qui lui permettent d’avoir une tessiture de six octaves. Les cordes sont en boyau, fer et nylon, elles sont incolores sauf pour le “do” en rouge et le “fa” en noir, pour être plus facilement repérées. Contrairement à d’autres instruments, il existe une multitude de harpe toutes différentes les unes des autres : chromatique, celtique, bardique, éolienne, des Andes, mexicaine… Toutefois il n’existe qu’une seule et unique harpe, celle qui vous aura scotchés à tout jamais après l’avoir écoutée.

Essence Ciel La Valette du Var - Limpact