Réservée, timide, sensible, surprenante et pas du tout le diable, bien au contraire. La rencontre avec une petite fille souriante, agréable qui pense que la vie est faite pour parler de tout et rire de tout, sans se moquer, ni faire de mal. Une innocence, un visage angélique, une voix douce, un rire d’enfant, mais ne vous y trompez pas, c’est une femme, une vraie. Donc quand vient le soir et que tombe le rideau aux abords d’une scène, elle se transforme et vous démonte. Et si c’est le diable, alors je ne lui vend pas, je la lui donne, mon âme.
Vous êtes née en Belgique, ce n’est pas un handicap ?
Ça va (rires).
C’est vrai, je suis née en Belgique près de la frontière française du côté de Mons, pas très loin de Valenciennes. C’est marrant car je me rends compte que les Belges sont plutôt à la mode en France. Des fois je dis : “Je suis Belge” et on me répond : “Ah mais nous on adore les Belges”. Donc on est plutôt bien accueilli.
Vous êtes diplômée d’architecture ?
C’est ça. Je suis architecte à la base, ensuite j’ai fait un master complémentaire pour finir prof dans une section maçonnerie. Je garde vraiment un très bon souvenir de cette expérience. En fait, j’ai fait pas mal d’études avant de me lancer sur scène parce que je ne savais pas trop par où commencer et je n’osais pas trop sauter le pas.
Vous êtes montée sur les planches très jeune.
Toute petite, j’ai très vite été passionnée par la scène. Mes parents m’ont inscrite à plein de cours d’art comme le dessin, la danse, des cours d’éloquence et de diction, le solfège, le piano… pour que je teste plein de choses. C’est le théâtre qui m’a tout de suite captivé et j’ai dit: c’est ça que je veux faire plus tard. C’était vraiment pour moi une révélation et puis comme j’étais très timide, j’avais l’impression que sur scène cette inhibition disparaissait donc ça me permettait de m’exprimer.
Comment vous êtes-vous dirigée vers la comédie ?
J’ai mis vraiment longtemps à me lancer car effectivement, comme j’étais timide, je n’osais pas trop, je ne savais pas comment me lancer professionnellement. Je faisais des castings mais je n’étais jamais prise, ça ne marchait pas très bien. L’humour c’est vraiment une chose qui m’attirait parce que justement, dans la vie, je suis très réservée, je ne suis pas drôle. Du coup, j’étais vraiment captivée par l’humour et les gens qui font rire, parce je trouve que c’est génial de savoir faire rire.
Pourquoi le one-woman-show ?
J’ai été choisie à un casting pour une comédie, j’ai joué dans une pièce et je trouvais ça chouette que les gens rient mais j’étais frustrée parce que c’était une pièce d’un auteur qui n’était pas moi. Je me suis alors posée la question de savoir si je serais capable de faire rire avec des choses que j’écris moi-même et c’est là que j’ai commencé à écrire mon one-woman-show et à oser monter sur scène toute seule.
A quel moment avez-vous pris cette direction un peu trash pour certain ?
Quand j’ai commencé à faire cet humour-là, je ne me rendais même pas compte que c’était trash. Pour moi, c’était mon humour dans la vie avec mes amis, c’était normal de faire cet humour-là et j’ai vu les réactions des gens qui me disaient que j’allais loin. C’est à ce moment que je me suis rendu compte que c’était un type d’humour particulier mais je ne me suis jamais dit que j’allais faire de l’humour noir ou de l’humour trash, c’était vraiment naturel.
Je trouve ça naturel, mais ça peut aussi choquer.
Il est vrai que pour certaines personnes, ce n’est pas leur humour dans la vie de tous les jours donc ça peut choquer et créer toutes sortes de réaction mais c’est ça qui est intéressant. Certaines personnes viennent me voir à la fin du spectacle en me disant : “quand vous avez abordé tel sujet, j’ai eu peur, je n’avais pas très envie de rire de ce sujet-là”, et je me suis reprise parce que je n’avais pas envie de ce genre de réaction.
Vous abordez des sujets qui sont “chauds” comme le sexisme, la religion, le racisme, l’avortement, les migrants.
J’ai en tête le côté noble de l’humour, l’envie de dire des choses, d’avoir de vrais messages, le côté vraiment intelligent de l’humour. C’est pour cela que sur scène, j’ai le besoin et l’envie de parler de choses qui me touchent, soit que j’ai vues dans l’actualité soit qui me sont arrivées, de grands sujets de société, des choses dont on a besoin de parler et pas juste faire “pouêt-pouêt” pour faire rire gratuitement. Donc mon envie, c’est avant tout de parler de ça.
Vous ressemblez à une ado, mais vos sujets ne sont pas des sujets d’ado.
C’est vrai, ça va avec mon personnage de scène qui est un personnage de petite fille très innocente et très naïve donc je joue vraiment sur ce physique que j’ai et qui contraste avec les propos qui sont plutôt incisifs. Du coup, je surprends les gens parce que quand ils me voient arriver sur scène ils ne s’attendent pas du tout à ce que je sorte ce genre de choses. Finalement, j’ai dû cultiver ce contraste et je m’en sers sur scène.
Participer à “La France a un incroyable talent” a été important pour vous ?
C’est eux qui m’ont proposé de participer à l’émission parce qu’ils avaient vu des vidéos que j’avais faites sur internet, mais je ne le sentais pas trop parce que je pensais qu’ils n’allaient pas me laisser dire ce que je voulais et qu’ils allaient me couper. Donc au début je n’étais pas très chaude et ils m’ont rassuré en me disant qu’ils aimaient mon humour et qu’ils me laissaient une totale liberté. J’ai trouvé ça génial car je n’ai jamais eu une telle opportunité sur un gros média pour m’exprimer librement avec cet humour-là, alors je me suis dit je vais tenter juste pour voir, pensant que je ne ferai qu’un seul passage parce que les gens trouveraient ça trop trash. J’ai vraiment été surprise de voir que ça a fonctionné auprès du public et donc c’est clair que ça m’a fait connaître d’un public plus large, ce qui m’a permis de marquer un tournant dans ma carrière et de jouer dans des salles de plus en plus grandes. Donc pour moi, oui, c’est clair, ça a été un moment important dans ma carrière.
Etre face au public, c’est le vrai moment de vérité ?
Surtout quand on fait de l’humour parce que la réaction du public est directe, soit ça rit, soit ça ne rit pas. Dans le second cas on se sent seul et c’est très gênant. On sait tout de suite si le public aime ou pas. C’est ça qui est difficile dans l’humour. Mais c’est aussi magique parce quand ça marche, que la salle rit, il se passe une sorte de communion avec les gens qui est épanouissante.
Que représente pour vous la censure ?
J’ai appris à ne pas accepter la censure. Il y a beaucoup d’humoristes qui disent qu’aujourd’hui on ne peut plus rien dire, mais ce n’est pas vrai c’est juste plus dur de percer avec cet humour. On me dit souvent à la télé ou à la radio qu’on veut bien me prendre dans telle ou telle émission mais je ne peux pas dire ce que je veux. Donc je préfère ne pas passer en télévision ou en radio et garder mon humour authentique. Parce qu’au final si j’enlève des vannes, je ne serais plus fidèle à ce que j’ai envie de faire.
Sur scène pas de censure ?
Je dis ce que je veux sur scène, je reste fidèle à ce que j’ai envie de faire. Je veux garder l’idée que ce n’est pas vrai, qu’aujourd’hui on peut encore dire des choses, le public est là et c’est ce qui est le plus important. A la fin de mes spectacles, les gens viennent me voir en me disant que ça fait du bien de voir des humoristes comme moi, qui osent parler de tout et qu’on ne voit pas forcément à la télé. Ils en ont marre de cet humour aseptisé. Donc j’ai envie d’être optimiste et de penser qu’il y a moyen de réussir avec mon humour sans être censurée.
Que représente le sexisme à vos yeux ?
Effectivement, dans mon spectacle je parle pas mal de mon arrivée dans ce milieu, des castings que j’ai fait où je sentais clairement que les directeurs me faisaient venir pour me draguer plutôt que pour parler boulot. Ce sont des choses qui m’ont vraiment marquée parce que ça m’arrivait souvent qu’on me dise : “Ah, viens, j’aime bien ce que tu fais et j’ai envie de t’aider“ par exemple et je trouvais ça génial car c’était un gros producteur ou un gros metteur en scène donc c’était de belles opportunités. Sauf que, quand j’allais au rendez-vous, je me rendais compte que ce n’était pas un rendez-vous professionnel , c’était plus de la drague qu’autre chose. C’est clair que c’est présent dans ce milieu, mais pas que dans ce milieu, et les femmes doivent faire face à ça. Je trouve ça triste et c’est parfois vraiment lourd, mais ça m’a permis d’en faire un sketch et de m’en moquer.
Peut-on rire de tout et avec tous ?
Je pense qu’on peut rire de tout mais dans la mesure où c’est fait intelligemment et où c’est amené de façon à ce que ce soit drôle. Je peux comprendre que ce ne soit pas le cas de tout le monde d’avoir envie de rire de tout. Le challenge dans cet humour c’est d’arriver à amener les choses de façon à ce que, peut importe le sujet et peut importe la gravité du sujet, on arrive à faire passer un message qui ne soit pas juste l’envie de se moquer. Oui on rit de ces choses-là, mais aussi parce qu’on a envie de les dénoncer, de faire passer un message. Bien sûr il faut le faire avec intelligence, légèreté, mais ce n’est pas toujours facile.
Dans l’intimité
Après quelques minutes, elle se livre enfin pour quelques questions un peu plus intimes. Une vraie timide qui ne se donne pas au premier venu. Trentenaire, elle est tout le contraire d’une génération qui oublie et passe à autre chose de plus en plus vite. S’il existe un gendre idéal, il y a aussi une brue idéale ; et elle se nomme Laura Laune.
Vous avez un petit peu plus de trente ans maintenant. De 0 à 10 ans comment cela s’est-il passé pour vous ?
J’ai vraiment eu la chance de n’avoir manqué de rien, ma famille était présente. J’ai eu une belle enfance. La seule chose marquante c’est que j’étais très introvertie, très timide, je n’avais pas beaucoup d’amis, je n’osais pas trop m’exprimer en public. Avoir des relations sociales, c’était très compliqué pour moi et ça a été un challenge de passer au-dessus de ces barrières. Et même encore aujourd’hui souvent les gens me disent, lors des séances de dédicaces à la fin du spectacle, que je n’ai rien à voir avec la personne que je suis sur scène, que je suis toute gentille, toute naïve. Ils s’attendent à ce que je fasse des vannes et à être trash tout le temps. Dans la vie j’ai gardé ce côté timide et réservé, même si je travaille à ce que ça aille mieux.
De 10 à 20 ans, vous avez eu une adolescence sympa ?
C’était pareil en fait. Toujours beaucoup de timidité, l’école pour moi c’était très compliqué parce que je n’avais pas d’amis et que je détestais ça. Je ne me sentais pas à ma place. D’ailleurs je ne me suis jamais sentie à ma place nulle part, sauf à partir du moment où j’ai commencé à monter sur scène et que j’ai eu l’impression de faire ce que je devais faire. L’école, je n’avais pas envie d’y aller, mais heureusement j’avais le théâtre à côté et c’est ce qui m’a sauvé. Tout ce qui était création, que ce soit le théâtre, le dessin car je dessinais beaucoup, ça me motivait vraiment. Mais vraiment, c’est aujourd’hui que j’ai enfin l’impression d’être à ma place.
Donc c’est entre 20 et 30 ans que vous vous êtes épanouie.
C’est ça, c’est vraiment par la scène mais ça n’a pas été facile parce que plein de gens m’ont dit que je n’y arriverais jamais ne me croyant pas capable d’être drôle. Je peux le comprendre puisque dans la vie je ne suis pas du tout ce que je suis sur scène. Même mes amis, quand ils venaient me voir ne s’attendaient pas à ce que je sois drôle, ils pensaient s’ennuyer pendant une heure et finalement ils se marraient. C’est une surprise pour mes proches que j’arrive à être drôle, à combattre ma timidité et à être une autre personne sur scène.
Que représente la famille pour vous ?
La famille c’est très important. Je suis assez proche de ma soeur, de mes parents, je les appelle souvent, on se voit souvent, je leur écris tous les jours. Au début mes parents m’ont assez découragé car ils avaient peur que ça ne marche pas et que je sois malheureuse. Et comme ce n’était pas très encourageant, ça a été dur pour moi. Maintenant comme ils voient que ça marche, ils sont hyper soulagés et fiers, ils me suivent et viennent me voir souvent. Mon grand-père qui a 87 ans vient aussi régulièrement me voir en tournée, c’est mon premier fan.
Les amis sont tout aussi importants ?
Je n’en ai pas beaucoup, mais ceux que j’ai, j’y tiens beaucoup et je suis très proche d’eux. C’est important parce que la vie de tournée, c’est génial mais aussi très fatiguant, on se remet en question très souvent et ça peut être assez éprouvant émotionnellement. Donc le fait d’avoir mes amis qui me soutiennent, c’est très important pour moi.
Reste-t-il de la place pour les amours ?
Pas beaucoup (rires). C’est vrai qu’avec ma vie de tournée, je joue quasiment tous les soirs dans une ville différente depuis presque deux ans, c’est difficile d’avoir une routine et même ne serait-ce qu’une vie sociale. Ma vie sociale, je l’ai mise de côté pour la tournée, mais j’espère que je vais bientôt pouvoir avoir le temps de m’occuper du reste.
Jusqu’à présent quel a été votre plus beau rendez-vous ?
C’est le public qui nous permet de vivre notre rêve et quand ça marche, on a vraiment de la chance. Il y a eu des moments de la tournée qui ont été assez éprouvants ayant des soucis personnels. Il y a eu une période où, avant de monter sur scène, ça m’arrivait très souvent d’être en larmes en coulisses et de devoir quand même monter sur scène pour faire rire le public. C’était assez dur, mais de sentir l’amour du public, même si ça semble hyper bateau ce que je dis, ça me portait et ça me remontait le moral alors que dans ma vie personnelle j’étais au plus bas. J’ai vécu des moments très émouvants où j’avais les larmes aux yeux à la fin du spectacle parce que c’était incroyable de ressentir autant d’amour de la part du public
Quelques couacs ?
Pas spécialement, j’ai l’impression d’avoir eu la chance d’arriver à faire ce que j’ai envie de faire. C’est arrivé que je travaille pour une émission et que finalement je sois coupée au montage ; c’est très frustrant. Ce qui est chouette aujourd’hui, c’est que sur les réseaux sociaux, j’ai un contact direct avec le public et je n’ai pas forcément besoin d’avoir une télé ou une radio. Donc quand je me fais couper d’une émission, je mets les images sur mes réseaux sociaux pour le partager quand même avec le public.
Avez-vous d’autres envies ?
J’ai envie de faire plein de choses, d’écrire pour le cinéma, j’ai plein de projets, dans la musique aussi. C’est l’espoir d’arriver à m’épanouir dans d’autres registres que ce soit au cinéma, puisque j’ai eu la chance d’avoir deux petits rôles dans deux films, Brutus vs César de Kheiron et Lucky de Olivier Vanhoofstad, qui sont vraiment top. Ce sont mes premiers pas au cinéma et ce sont deux films que j’aime beaucoup donc même si ce sont des petits rôles, je suis trop contente d’avoir pu participer à ces aventures-là. Ça m’a aussi ouvert des portes, j’ai d’autres projets dans le cinéma et c’est un nouveau challenge parce que je n’avais jamais pensé avoir la chance de jouer un jour au cinéma. J’espère pouvoir continuer là-dedans aussi.
Capital
Interview basique sur ces péchés que l’on dit capitaux, souvent décriés et surtout toujours utilisés, pour que la vie soit encore plus belle.
L’envie : l’envie, c’est que j’ai plein de projets et que je me dis que je n’aurai pas le temps de tout faire, tant j’ai envie de choses. Ecrire mon nouveau spectacle, écrire un film, écrire une série, écrire un album… tout ça me motive au quotidien et j’espère avoir le temps de tout faire.
La gourmandise : je suis très gourmande (rires). Je cuisine beaucoup, surtout les pâtisseries et j’adore ça. Du coup, je fais beaucoup de sport pour compenser.
La paresse : mon côté paresseux, c’est quand je rentre de tournée, souvent c’est le dimanche, j’aime bien m’enfermer chez moi. Limite je ferme les volets, je me mets dans mon canapé et je ne veux voir personne, je ne parle à personne, c’est mon moment de “glande” totale avant de recommencer la tournée.
L’avarice : je n’ai pas ce défaut, je suis plutôt généreuse. J’ai envie de profiter de la vie, donc je fais des cadeaux à mes proches, je m’en fais aussi, j’essaye de profiter de chaque jour qui passe.
L’orgueil : quand on fait ce métier, qu’on monte seule sur scène, il y a ce petit côté narcissique de se dire que pendant deux heures, les gens vont nous regarder. Au contraire, je suis très terre à terre et j’ai tendance à souvent me remettre en question, à me dire que je peux faire mieux plutôt que je suis la meilleure.
La luxure : c’est ce que je vis aujourd’hui parce que j’ai tellement de chance de pouvoir vivre de mon métier que j’ai l’impression de ne jamais travailler. Je gagne ma vie en m’amusant et pour moi, c’est un luxe.
La colère : quand on monte sur scène, certains sujets sont motivés par la colère car on a envie de les dénoncer et du coup, pour moi, c’est plutôt un moteur. J’essaye de transposer mes sentiments négatifs en choses que je crée sur scène, que je vais libérer ainsi.
Votre péché mignon : que ça continue comme ça. A chaque fois que je joue, des coulisses j’entends la salle qui est pleine et je me dis que c’est incroyable que tous ces gens soient là pour moi. Donc j’espère que le public va continuer à venir me voir et à aimer ce que je fais.
Un dernier mot : j’ai été surprise par votre approche de mener cet interview. Surprenant au départ mais chouette et adorable car on se livre un peu et on oublie les questions “bateau“ habituelles avec toujours les même réponses.
Merci beaucoup.
Propos recueillis par Manouk B.
Crédits photos : Laura Gilli – Renaud Corlouer