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Marc Vuillemot, Maire de La Seyne-sur-Mer

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A l’occasion de la sortie du magazine spécial Côté Seyne, nous avons souhaité rencontrer Marc Vuillemot, maire de La Seyne et vice-président de TPM. Il a répondu à nos questions sur le commerce dans sa commune, ses axes de développement, les projets en cours et à venir. Il nous a fait partager le regard à la fois bienveillant et dynamique qu’il porte sur sa ville, à mi-chemin entre patrimoine historique et innovation technologique. L’avenir est en marche à La Seyne, mais sans oublier de regarder dans le rétroviseur.

Les commerçants de Côté Seyne proposent ce mois-ci la première édition d’un magazine qui leur est consacré. Parlez-nous de cet espace commercial de votre commune.
Dans cette périphérie urbaine, l’offre commerciale de Côté Seyne est de qualité. Elle est un pendant utile à ce qui se joue, d’une part pas très loin d’ici en automobile à Aubagne ou à Marseille et, d’autre part, à l’est de Toulon avec l’ouverture prochaine de Avenue 83.
Nous sommes ici sur un site géographique à enjeux. L’opération économique de redynamisation de la zone de Côté Seyne par des grands groupes, comme Auchan et sa nouvelle galerie, participe au Programme de Rénovation Urbaine du plus grand ensemble d’habitat social du Var, à savoir 15 000 habitants. Cela apporte de la diversification de fonctions dans un quartier qui, dans les années 1960, offrait certes du logement mais aussi de l’activité commerciale et de service, comme des banques et médecins. Avec le temps et la dégradation, ce tissu s’était étiolé et avait réduit ce quartier à une cité dortoir. Cette opération a donc permis de lui redonner son identité de ville à part entière.

Nous avons travaillé avec les concepteurs du projet d’intégration urbaine et d’architecture qui ont réalisé de véritables places publiques et cassé les frontières que formaient les voies de circulation importantes qui séparent le site de la cité.

Y a-t-il une cohérence avec les autres zones commerciales ?
En tant que maire, mon rôle est de veiller à l’équilibre global de l’activité économique sur ma commune. Je me préoccupe donc de l’ensemble du territoire. C’est la raison pour laquelle, la loi permettant aujourd’hui l’ouverture des commerces 12 dimanches par an au lieu de 6, nous avons discuté avec tous les acteurs et opté pour 9 dimanches d’ouverture. Il n’est ni question d’empêcher ces commerces de travailler ni les concitoyens d’en profiter, mais c’est un moyen d’assurer un équilibre avec les autres espaces à vocation commerciale du reste de la commune. Une réussite d’un côté du territoire ne doit pas tuer un autre côté de ce même territoire.
J’ai la même démarche pour l’ancien atelier mécanique, sur lequel un projet de rénovation économique est en cours avec deux hôtels, neuf salles de cinéma et des commerces. Il semble évident qu’il ne doit pas y avoir dans cette zone-là de supérette ou commerce de ce type, mais bien des commerces de bouche et de culture, jusqu’à des activités sportives et de bien-être. La charpente métallique du bâtiment va d’ailleurs être conservée et probablement utilisée pour un parcours d’aventure et d’escalade.
Le rôle d’un maire n’est pas de faire le travail à la place des acteurs économiques, mais de poser un regard bienveillant sur le territoire et de faire que, par l’échange et la rencontre avec ces acteurs, tel projet, aussi beau et intéressant soit-il, soit aussi en harmonie avec les projets déjà existants et ne provoque pas de dégâts collatéraux.

J’ajoute que nous sommes aussi dans une logique qui dépasse le territoire strictement communal. Nous sommes à la périphérie d’un vaste territoire à enjeux, le Grand Toulon, autour du pôle de compétitivité Mer. Sa partie terrestre, à Ollioules avec DCNS et les autres entreprises qui s’y installent, doit trouver son pendant dans la partie maritime qu’est la zone allant des Playes à Brégaillon. C’est pourquoi nous avons trouvé qu’il était fondamental d’avoir une jonction de qualité entre ces deux zones grâce au pont route/pont rail de Camp Laurent.

Port de La Seyne sur Mer - Limpact

De manière générale, comment décrivez-vous le commerce à La Seyne et les différents projets en cours ?
Il est difficile de parler de commerce « en général » à La Seyne, parce que la lecture de notre territoire est liée à l’histoire des aménagements urbains et notamment des routes.
Ainsi, au fil des années, le long de la départementale qui va de Six-Fours aux Sablettes, l’activité commerciale s’est développée, donnant naissance à une multitude de petits pôles commerciaux, avec leurs propres espaces de stationnement.
Sur la périphérie de la commune, les commerçants sont donc plutôt bien desservis.

Le problème se pose, par contre, au niveau de notre centre-ville. Ce n’est d’ailleurs pas une spécialité locale ; c’est malheureusement le problème de tous les centres anciens. Le nôtre, en particulier, souffre d’une baisse de dynamique économique.
Plusieurs raisons peuvent expliquer ce phénomène, à commencer par la taille des cellules commerciales, trop exigües au regard de certaines enseignes qui souhaiteraient s’y installer. Nous y travaillons, dans le cadre de notre programme de rénovation urbaine, dans un dispositif national appelé Nouveau Programme National de Rénovation Urbaine porté par l’Etat, en collaboration avec notamment l’État, l’Agglomération, la Région, le Département et la Caisse des Dépôts et Consignations. Nous avons fait appel à Epareca (établissement public créé en 1996 par la Loi du Pacte de Relance pour la Ville et qui accompagne les collectivités locales dans la reconquête de leurs zones commerciales et artisanales de proximité, au sein des quartiers en difficulté, ndlr) qui va bientôt nous rendre son rapport d’étude et nous proposer des actions à mener.

J’aime à citer l’exemple de réussite de l’installation de la librairie Charlemagne dans notre centre-ville qui n’avait plus ce type de commerce depuis bien des années : les gens étaient réticents quant à l’intérêt et la réussite d’un tel magasin. Charlemagne a acheté deux puis trois cellules commerciales sur le port et c’est une réussite. Ils développent sans arrêt de nouveaux services. Cet exemple démontre que l’installation de grandes enseignes dans le centre-ville est possible et viable.
Nous avons aussi un problème de vitrine. Ouvrir une boutique au fond d’une ruelle insalubre, parce qu’on y a trouvé le local qui nous convient, cela ne fonctionnera pas. C’est pour cela que notre stratégie, aujourd’hui, est de nous concentrer sur un périmètre resserré de dynamisation commerciale que forment la vitrine du port, la voie piétonne de la rue Cyrus Hugues, le marché et deux places structurantes : Martel Esprit et Daniel Perrin. Cela demandera du temps, car les locaux ne nous appartiennent pas. Mais une fois le projet abouti, peut-être trouvera-t-on dans les boutiques du centre-ville ce qu’on ne trouve pas dans les hypermarchés de périphérie.

Parlez-nous des transports.
Tout ce travail doit évidemment être accompagné par une réflexion de la communauté d’agglomération sur les nécessités de mobilité, en terme de stationnement d’abord, mais aussi en terme de transports collectifs. En effet, lorsqu’on vient se promener en ville, on ne part pas forcément avec l’idée de faire des achats, mais on doit avoir la possibilité, si c’est le cas, de le faire sans se retrouver à marcher des kilomètres, ainsi chargé, pour retourner chez soi.
Nos transports en commun ne sont pas à la hauteur de ce que nécessite une agglomération de presque 450 000 habitants. Je me suis battu pour que le bus à haut niveau de service qui devait partir de La Garde jusqu’à DCNS vienne jusqu’à La Seyne. Le centre-ville et les quartiers en plein développement, comme le site des anciens chantiers navals, sont des lieux de dynamique économique, sociale et culturelle qui doivent être absolument bien desservis par les transports collectifs.
Ceci concerne aussi les bateaux-bus : il serait aberrant qu’on ne développe pas davantage les lignes de la Rade. Il faudrait modifier les lignes existantes pour que les gens de Saint Mandrier, Six-Fours, et le sud de La Seyne puissent laisser leur véhicule à l’embarcadère des Sablettes, sur les parkings gratuits, et avoir le choix de se rendre en navette au cours Lafayette à Toulon, en utilisant la ligne 18M, ou prendre une correspondance entre la ligne 8M et la ligne 18M pour venir au marché seynois.

Il faut également poursuivre les efforts sur les animations culturelles qui doivent venir en renfort des animations commerciales. Il faut que l’association des commerçants du centre-ville continue à se restructurer, comme elle est en train de le faire, pour fédérer un maximum de commerçants et multiplier ainsi les bonnes idées et les moyens de les mettre en œuvre.
Nous devons poursuivre notre travail de rénovation urbaine avec des places sympathiques, des rues en bon état, des aides aux particuliers pour les façades, afin de créer les conditions pour que la ville s’améliore.
La présence de service public est par ailleurs une nécessité. Nous avons un réel souci avec le départ des médecins, par exemple. Or, quand on vient en ville pour un rendez-vous médical, on en profite pour faire des courses dans les boutiques alentour, boire un café au bistrot… C’est sur tous ces fronts qu’il faut travailler, sans oublier de rassurer les gens quant à leur sentiment d’insécurité, souvent exagéré, car la délinquance n’est statistiquement pas plus élevée sur notre commune qu’ailleurs. C’est pourquoi nous améliorons les éclairages publics et posons des caméras de vidéo surveillance. Les policiers municipaux et nationaux font un travail de proximité en se déplaçant à pied dans le centre et travaillent à rassurer nos concitoyens.

Port de La Seyne sur Mer - Limpact

Une meilleure circulation de la population d’une ville à l’autre grâce aux transports collectifs permettrait justement de faire de Toulon et des villes voisines une grande mégalopole ?
Je suis de ceux qui pensent que la rade de Toulon n’est pas une frontière entre nos deux villes, mais la vraie place publique de l’agglomération. Il faut situer le débat au niveau de l’agglomération et non plus à l’échelle communale.
Ce n’est pas facile, car les deux villes ont toujours été historiquement rivales… mais cela date de 1793… de l’eau à coulé sous les ponts. Il y a toujours de l’eau dans la rade et c’est cette eau qui nous fait tous vivre : les travailleurs de la défense nationale, ceux du port de commerce de Toulon, nos premiers chantiers navals, etc. Nous partageons ce morceau de mer magnifique et calme et tous les enjeux de développement économique qui ont échappé à la crise que nous connaissons depuis 2008 gravitent autour. La mer est ici une chance et non une frontière.
J’ai bon espoir car les centres anciens de Toulon et de La Seyne sont tous les deux inscrits au Nouveau Programme de Rénovation Urbaine que nous négocions avec l’Etat. Evidemment, nous parlons là de long terme, à échéance de dix ans minimum.

Finalement quels sont les atouts majeurs de La Seyne ?
La Seyne, c’est la rive sud de la Rade et c’est au bord de cette rive-là que les enjeux de dynamisation économique, culturelle et sociale sont tous concentrés. Nous sommes les seuls à disposer encore d’espaces disponibles pour cette redynamisation. Nous sommes la seule commune à avoir une croissance démographique de 1,5% par an en moyenne depuis plusieurs années. Il faut considérer La Seyne comme un atout pour le Grand Toulon.

Comment imaginez-vous La Seyne en 2057 pour vos cent ans ?
Tout ce dont nous venons de parler en terme d’investissements structurels sera achevé et tous les projets mis en œuvre aujourd’hui auront abouti.
L’expansion démographique aura néanmoins dû s’arrêter. La Seyne abrite 65 000 habitants aujourd’hui. Elle ne pourra pas aller au-delà de 70 000. La Seyne est riche de ses espaces naturels et nous ne toucherons pas à son « joyau vert ». Nous devons préserver nos richesses naturelles. 12 promenades pour le Printemps du Cap Sicié sont d’ailleurs prévues et organisées par des associations locales pour les faire découvrir.
L’avenir, c’est aussi de continuer le travail sur la valorisation et la dynamisation de notre patrimoine historique, avec, par exemple, les chemins de la mémoire, les images grand format des anciens métallos au casino. Au premier étage du Pont Levant, nous proposerons bientôt des images en 3D des anciens chantiers. Cette dimension patrimoniale qui fait notre spécificité, nous devons la cultiver, car elle a donné naissance à nos savoir-faire dans les hautes technologies, que l’on retrouve aujourd’hui dans la dynamisation du pôle mer. A la base, ce sont les mêmes métiers, sauf qu’ils ont évolué et se sont diversifiés.
Il est important d’entretenir, grâce aux nouvelles technologies, le lien entre notre patrimoine de vie, historique – nous fabriquions déjà des bateaux au XVIIe siècle -, et le dynamisme du Pôle Mer qui demain fabriquera des choses inimaginables
aujourd’hui. Dans un monde où tout se passe sur les réseaux sociaux et où les relations humaines peuvent vite devenir artificielles, cela nous garantira un véritable ancrage. A La Seyne, nous sommes déjà très engagés dans cette dynamisation. Nous avons, d’ailleurs, une qualité de haut débit supérieure à certaines communes voisines. C’est un parti pris, cela demande des travaux, mais c’est l’avenir.

Dans cet esprit, afin de faire découvrir autrement notre commune, je suis en train de créer des jeux de pistes pour Smartphone. Il faut télécharger l’application Furet Factory et chercher les balades concernant La Seyne. Pour l’instant j’en ai créé 3 : La Seyne : mer, pierre et sable, La Seyne : la corniche du Pacha et Le cœur historique de La Seyne. Cela m’amuse beaucoup et j’en ai d’autres en tête. Je suis professeur de métier et j’ai animé des centres de vacances pendant des années, j’en garde ce goût pour les jeux de piste.

Je pense, pour finir, qu’en 2057 La Seyne se sera déjà projetée en 2100 afin de continuer la dynamique qui nous anime aujourd’hui. Nous sommes des « bagarreurs », cela fait partie de notre histoire et il faut le cultiver.

Propos recueillis par Karine Perrier