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Un sculpteur qui a du chien – Damien Colcombet

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A poils à plumes, à écailles, à quatre pattes ou bien avec des ailes, les animaux font le quotidien et le bonheur de Damien Colcombet. Il les aime mais surtout les représente. Après 20 ans dans la finance, il se consacre totalement à ce qui n’était jusque-là qu’un loisir : la sculpture animalière.
Récompensé du Prix Edouard-Marcel Sandoz en 2014 et de la Médaille de Bronze du Salon des Artistes Français en 2015, il expose ses œuvres à la galerie Estades de Toulon.

Que contient l’exposition toulonnaise ?
On y trouve entre 40 et 50 sculptures très diverses. Cela va du cheval de selle aux animaux présents en Afrique. Je produis vraiment les animaux qui me plaisent et tant mieux si cela accroche avec le public.

Quelle passion a été la première, celle de la sculpture ou des animaux ?
Sans aucun doute celle des animaux, depuis tout petit. Mes premiers souvenirs me ramènent à cela. Enfant, je lisais déjà beaucoup de livres à leur sujet. Plus tard, je me suis intéressé à l’art. Plus particulièrement à la sculpture animalière du XIXe siècle. La sculpture, c’était d’abord un “à côté”. Je travaillais dans la finance et c’est ma femme qui m’a poussé à ne faire plus que cela. C’était un pari assez fou car mon activité était notre seul revenu. J’ai vite réussi. Une galerie m’a dit une fois  “ça vaudrait le coup de faire fondre en bronze tes réalisations”.

Damien Colcombet expose ses œuvres à la galerie Estades de Toulon - Limpact

Faire une sculpture c’est une chose, la faire fondre en bronze c’est plus complexe…
Oui d’autant plus qu’il y a très peu de belles fonderies. Je travaille avec l’une d’entre elle dans la Drôme qui a gardé ce savoir-faire. Le processus est plus complexe mais j’interviens dans plusieurs étapes notamment celles de la cire et du bronze. Je peux donc dire que l’œuvre est la mienne de A à Z.

Ce domaine a-t-il évolué ?
Avant Antoine-Louis Barye, on représentait peu d’animaux seuls. Il y avait toujours un homme. Par exemple un roi sur son cheval ou un notable à côté d’un bel animal. Cet artiste a représenté un tournant dans la sculpture animalière.

Les spectateurs sont-ils réceptifs ?
Oui, ils me font les mêmes remarques à chaque fois, c’est très étonnant. Ils voient des animaux en mouvement. Très peu d’artistes animaliers font des choses extrêmement figuratives. On pourrait croire que je colle aux œuvres du 19ème siècle mais les gens me disent qu’ils voient bien la différence. Ils apprécient beaucoup. L’art moderne draine énormément d’argent est porté par les pouvoirs publics mais les salons d’art figurative plaisent énormément.

Damien Colcombet, l'art animalier à la Galerie Estades de Toulon - Limpact

En dehors des expositions dans les galeries, quelles activités vous permettent de faire connaître votre travail ?
Je sais que je suis présent dans les collections de grands noms comme chez les Guerlain.
Sinon, on a mené un très grand projet à Lyon, au parc de la tête d’or. Dans tous les zoo où je suis passé j’ai toujours vu des sculptures. Avec des amis on s’est dit que c’était dommage de ne pas en voir ici. On a persuadé la mairie de nous laisser installer une girafe et un girafon. Nous n’avons pas souhaité être rémunérés, ce sont en partie des mécènes et des dons qui ont financé le projet. En dehors de mes activités de sculpteur, je ne donne pas de cours, je ne m’en sens pas légitime. Je ne serai pas capable de laisser mes “élèves” s’exprimer dans un style différent du mien. En revanche, je fais volontiers des démonstrations. Cela intéresse les gens de voir comment je travaille.

Collaborez-vous avec d’autres artistes, qui ne sont pas forcément des sculpteurs ?
Chaque année se tient le salon national des artistes animalier qui reflète tout le marché de notre art. Des peintres aux sculpteurs en passant par les graveurs. Dans ce cas-là, nous sommes tous mis en avant dans le même contexte. Régulièrement, les galeries font aussi des expositions collectives sur l’art animalier. Dans ce cas-là ils mettent un grand photographe avec mes sculptures par exemple. A Bruxelles, on retrouve “Septembre Animalier”. J’y suis également avec d’autres artistes.

Vous exposez mais vous devez également vendre, quelles sont les règles ?
Toutes les œuvres exposées à la galerie Estades sont à vendre. La loi française exige que les œuvres originales soient limitées à 12 exemplaires. Les autres sont appelées des reproductions. Or, comme je ne produis que des œuvres originales, 1/3 de la totalité de mes œuvres est épuisé.

Travaillez-vous pour les particuliers ?
Dans l‘art animalier c’est très compliqué. Cela se traduit souvent par une source de déception. Par exemple,  je vais faire un chien à partir des photos. Il sera fidèlement reproduit mais il manquera ses attitudes, les petites choses qui font que c’est votre chien et pas un des chiens de cette race. Face à ce constat, j’ai décidé d’accepter les commandes si on me laisse une entière liberté. La transmission de pensée ne marche pas. Les artistes se mettent déjà beaucoup de choses en tête pour réaliser leurs œuvres. Si, en plus, on s’ajoute la pression pour reproduire quelque chose de sentimental cela devient très compliqué.

Damien Colcombet : Je vais dans tous les zoo partout où je passe - Limpact

En tant que passionné, toutes vos activités doivent être orientées vers les animaux ?
Je vais dans tous les zoo partout où je passe. J’en ai déjà visité une quarantaine. Dès qu’on va quelque part en famille on regarde où est le zoo. Je suis également allé plusieurs fois en Afrique, dans des réserves. Je consulte énormément de livres sur le sujet. Je prends des photos d’eux partout, même si je ne m’en sers pas forcément après.

La question de la protection animale est au cœur de plusieurs débats. Vous aimez profondément les bêtes, quelle est votre position sur le sujet ?
Je ne suis pas particulièrement dans le combat. Je n’aime pas l’écologie sentimentale qui pousse à protéger un petit pingouin juste parce qu’il est mignon. C’est le même courant de pensée qui, en parallèle, n’a aucune morale en ce qui concerne les araignées ou les fourmis… Je suis pour l’écologie scientifique. Celle qui protège les espèces pour leurs qualités et l’entretien de la faune et la flore, qu’elles qu’elles soient. Je ne suis pas pro chasse mais cet exercice, s’il est pratiqué de manière raisonnée, doit exister. L’animal n’est pas l’égal de l’homme. Sinon, cela veut dire qu’à l’inverse, l’animal est l’égal de l’homme. Et ça, c’est  très inquiétant.

Propos recueillis par Laura Berlioz

Exposition du 28 avril au 9 juin
Galerie Estades
18, rue Henri Seillon – Toulon
04 94 89 49 98