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Serge Lama – Portrait

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C’est une longue histoire que je partage avec Serge Lama car je le suis depuis des décennies grâce à celle qui fut longtemps son ange gardien : Simone Marouani à qui, pour l’occasion, je veux rendre hommage aujourd’hui car j’ai travaillé près de 40 ans avec elle, comme Serge et c’est elle qui a toujours facilité mes rencontres avec l’artiste.

Je fis une tournée avec eux et Nicolas Peyrac, puis une autre tournée avec notre complice commune Alice Dona. Mais il y eut de nombreuses rencontres avec “l’ami Lama” en tournée, à Ramatuelle, à Toulon, à Sanary où je l’invitai pour une rencontre avec le public, ce qu’il fit toujours avec gentillesse, simplicité, patience… Comme le grand professionnel qu’il est.
Cette année il fête 50 ans de carrière… Déjà… Mais tous ceux qui sont nés des années 60 en sont là aujourd’hui !
Et pour lui, ce sera une tournée* et c’est ce splendide double album “La balade du poète” (Warner) où il reprend tous ses succès revus et corrigés et surtout corrigés car il y a carrément changé nombre de paroles dont il n’était pas heureux. ça donne, avec aussi ces nouvelles orchestrations de son complice Sergio Tomassi, des chansons, ni tout à fait les mêmes, ni tout à fait autres. C’est magnifique. Et en prime, en bonus, quelques chansons écrites entre 9 et 12 ans, d’une maturité, d’une force, déjà, dans les mots et dans les sujets, qui surprennent et forcent l’admiration tant elles sont abouties.
Je lui dis toute la joie que j’ai eue de découvrir ce disque et de redécouvrir toutes ces chansons qui ont bercé quatre décennies d’un public fidèle.

“C’est gentil de me le dire et c’est toujours bon à entendre car les artistes ne sont jamais sûrs d’eux. Ils sont plus fragiles qu’ils ne veulent le montrer et donc, lorsqu’on nous fait un compliment sincère, ça fait toujours plaisir… et on le prend.

Vous dites, Serge, que cet album est un OVNI…
Disons… un demi OVNI. C’en serait un si j’avais changé toutes les paroles des chansons, ce qui n’est pas le cas. J’ai changé, un mot, une strophe, deux lignes, une phrase. Mais c’est vrai que j’ai fait quelque chose qui ne se fait jamais ou très rarement. J’ai même réécrit “Rien ne vaut vous” en entier !

Pourquoi ?
Parce que, depuis longtemps, certaines choses ne me convenaient pas, je n’étais pas satisfait de certains textes mais lorsque c’est enregistré on n’y revient plus. Et là, j’y reviens ! J’ai profité de cet événement pour changer ce que j’avais du mal à chanter. Voilà. J’ai en fait remis les choses – les mots – à leur place.

On découvre aussi ces chansons d’enfance et l’on est impressionné de la maturité de ces textes…
Vous savez, à 10 ans j’étais déjà un adulte… Nous vivions à quatre, avec mes parents et ma grand-mère  dans une seule pièce où il n’y avait pas de place et malgré cela, je vivais dans une grande solitude. J’étais livré à moi-même et comme j’étais souvent seul, je lisais beaucoup. Mais personne ne surveillait ce que je lisais. Je lisais donc des livres qui n’étaient pas de mon âge, Anouilh, Verlaine… Beaucoup de choses me passaient au-dessus de la tête mais ces lectures m’ont donné une dextérité psychologique et ont aussi orienté ma façon d’écrire.

Pourquoi dévoiler ces textes ?
D’abord parce que je pense qu’ils méritent d’être découverts, je n’en ai pas honte et puis, pour en faire cadeau à ceux qui me suivent depuis des années. Je crois que ça leur a fait plaisir parce que ces chansons font partie de moi, de ma vie, de mon parcours. Et je dois vous confier qu’en les écoutant, je me suis surpris à me découvrir une incroyable lucidité que je dirais… glaciale ! Mais je trouve que ces chansons sont cohérentes avec les autres.

Pourquoi avoir repris cette vingtaine de chansons plutôt que d’offrir de nouvelles chansons ?
J’aurais pu le faire car j’ai des dizaines de chansons écrites mais aujourd’hui, le public vient écouter les chansons qu’il aime. Il est moins curieux des nouveautés et s’ennuie vite s’il ne s’accroche pas à des mélodies qu’il connaît. A une époque, les artistes « rodaient » leurs chansons devant le public, avant de les enregistrer, afin qu’elles soient fin prêtes au moment de l’enregistrement. Aujourd’hui le public préfère les chansons qui lui rappellent des souvenirs, plutôt que des découvertes. C’est encore un cadeau car ces succès qui ont parsemé ma carrière relient ma vie à la leur.

2012 a été l’année de l’Algérie. Vous y avez fait votre service militaire. Quel souvenir en gardez-vous ?
Forcément des bons souvenirs car, comme je le dis dans ma chanson : “C’était beau, l’Algérie”. J’ai connu Alger, Blida. Je dois avouer qu’il y avait un peu de peur, d’appréhension car je quittais famille et amis pour la première fois, je prenais aussi le bateau pour la première fois, nous étions en fin de guerre et nous ne savions pas ce que nous allions y trouver. Mais c’est grâce à ça que j’ai découvert le désert que je n’aurais peut-être jamais vu.

Vous auriez pu le visiter à un autre moment !
Je ne sais pas, car je voyage plus dans ma tête et par télévision interposée que physiquement !
Par exemple, lorsque j’ai découvert New York j’ai été extrêmement déçu. Je m’en étais fait une idée très surfaite car les images que l’on voit sont toujours plus belles que la réalité. De tous les voyages que j’ai pu faire, rares sont ceux qui m’ont vraiment ébloui… comme ce que je voyais à la télé. Aussi, comme Jules Verne, je préfère voyager dans ma tête !

Dans votre carrière, vous avez participé à quelques concours. Est-ce que c’était quelque chose qui vous excitait ?
Pas du tout ! Les quatre auxquels j’ai participé au début de ma carrière étaient surtout faits pour me faire connaître mais ça ne m’excitait pas plus que ça. Il se trouve que j’en ai gagné trois : J’ai gagné le premier à 15 ans. C’était “Les relais de la chanson française” organisé par l’Humanité. Puis j’ai gagné le concours de chant de la chanson francophone avec “Le 15 juillet à 5heures”. J’ai gagné la Rose d’Or d’Antibes avec “Une île” en 69. J’ai perdu le quatrième en arrivant 10ème au concours de l’Eurovision avec “Un jardin sur la terre”, ma première collaboration avec Alice Dona.

Alice qui sort un nouvel album “Mes petites madeleines” et elle en partage une avec vous !
Oui, elle sort un album de chansons qui ont marqué sa vie, ses coups de coeur. Elle a invité Bénabar, Catherine Lara, Michel Delpech… et moi qui chante donc avec elle une chanson de Paul Misraki, un succès de Jacques Hélian : “Sans vous”. Je l’ai fait avec plaisir, comme tout ce que je fais avec Alice et de plus, le disque a été conçu en collaboration avec un ami commun : Hubert-Félix Thiéfaine, avec qui je viens aussi de faire un duo avec la reprise de Léo Ferré : “Vingt ans”.

Entre deux disques et nombre de concerts, vous avez quand même fait ce recueil de poèmes intitulé “Sentiments, sexe et solitude” !
Oui mais ça fait plus de 30 ans que j’accumule ces textes. Il fallait bien un jour les éditer. Mais je ne pensais pas que ça pourrait marcher… Un livre de poèmes, qui plus est, érotique… Et si Anne Carrière m’a édité c’est parce que c’était moi. Vous pensez, parler d’amour c’est désuet en poésie mais parler de sexe !!! J’avoue moi-même que je ne pensais pas que ça marcherait comme ça et dans tous les pays francophones.
Lorsqu’on sait qu’un poète connu vend entre 1000 et 1500 livres, moi j’en ai vendu 75000… Mais c’est surtout parce que je m’appelle Lama.

Est-ce que dans ces textes, il y avait matière à chansons ?
Peut-être pour certains, à condition d’être remaniés. Mais j’ai bien dissocié les deux. Ces textes-là ne sont pas des textes écrits pour en faire des chansons. D’ailleurs, certains sont très courts. Et puis, là encore, je risquerais d’avoir la barrière de la censure à la télé. Le CSA, c’est quelque chose ! Déjà que j’y passe difficilement et en chantant mon sempiternel « Je suis malade »…
Regardez Brassens, Gainsbourg, le mal qu’ils ont eu, souvent, à faire passer certaines chansons, quand elles n’ont pas carrément été interdites… Aujourd’hui c’est encore pire, on revient au galop vers la censure… Les gens sont plus choqués par les mots que par les faits. Aujourd’hui on régresse et je pense avoir sorti le livre au bon moment. Dans quelques temps, ce ne sera plus possible. Aujourd’hui, on vous empêche de dire certains mots, ce qui en soi n’est pas grave mais qui risque d’engendrer d’autres interdictions.

Vous vous êtes essayé avec succès au théâtre. Y reviendrez-vous ?
Je ne pense pas. ça a été une jolie parenthèse dans ma vie, tout comme l’a été “Napoléon”. C’étaient des envies, des expériences que je voulais tenter. Je dois dire que cela m’a beaucoup apporté pour le tour de chant car j’ai appris à mieux jouer mais aussi et surtout l’importance de l’auteur qui défend son texte et que l’on doit respecter. Je suis aussi un auteur donc je peux comprendre cela et croyez-moi, ces expériences ont fondamentalement changé ma façon de chanter.

Et votre bio… Quand l’écrirez-vous ?
Alors là, c’est un autre problème ! On me le demande depuis plus de vingt ans. D’abord, comme je vous l’ai dit, je ne sais écrire que des poèmes et puis j’ai un énorme problème, je n’ai aucune mémoire. Je passe mon temps à chercher le nom des gens. Lorsque ma femme, Michèle, me rappelle quelque chose, moi je ne m’en souviens jamais, alors vous pensez, écrire mes mémoires !
Je ne vis que dans le présent, dans l’instant, le passé, je l’oublie. J’aurais peut-être dû tenir un journal au quotidien mais aujourd’hui, c’est trop tard !

Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos : Luc Valigny – Jean-Jacques Bertrand

*Toulon n’ayant pas daigné recevoir Serge Lama, vous pourrez aller l’applaudir le 25 janvier au Silo, à Marseille, et le 26 janvier à la Palestre, le Cannet. Il sera également à l’Olympia du 8 au 17 février.