Barry Collins est une légende vivante de la danse.
Anglais, il vit enfant dans un camp militaire où ses parents montent des spectacles au service des armées. La légende dit qu’il monte sur scène à l’âge de 3 ans pour danser. Il rit lorsque je lui en parle, avec cet humour anglais qu’il a gardé : “C’est une légende car j’ai commencé bien avant… dans le ventre de ma mère !”
Très jeune donc il débute une brillante carrière en Angleterre, entrant à 10 ans au Royal Ballet, gagnant par trois fois le championnat de claquettes de Grande Bretagne, jouant à la création de “Hello Dolly” auprès de Mary Martin. Il devient très vite chorégraphe et se spécialise dans les comédies musicales, style qu’il a toujours adoré. En Angleterre et en France, il montera “Titanic”, “Aïda”, “Le bourgeois gentilhomme”, “Chantons sous la pluie”, “Orphée aux Enfers”, “Carmen”, “Certains l’aiment chaud”… et bien d’autres spectacles.
Il fera une brève insertion au cinéma en jouant dans “In a clear day you can see forever” de Vincente Minelli, auprès de Barbra Streisand, Yves Montand, Jack Nicholson et dans “Fu Manchu” de Peter Sellers.
Un jour il vient en France et… il tombe amoureux de Paris. Il ne retournera plus en Angleterre. Il rencontre par hasard un certain Joe Dassin. Par hasard ils découvrent que, pour gagner leur vie, ils ont tous deux été chauffeurs de taxi, l’un à Londres, l’autre à New York. Par hasard encore Joe cherche un chorégraphe pour son Olympia. Ce sera lui. Joe lui fait rencontrer Maritie et Gilbert Carpentier. Nouveau coup de foudre. Ils ne se quitteront plus, faisant les beaux jours de nos soirées télé.
“Vous avez donc travaillé avec tous les artistes français ?
Evidemment car à chaque show je présentais un ballet de quatre à six minutes et je faisais danser les chanteurs… tant bien que mal ! J’ai appris le tango à Sylvie Vartan, j’ai fait venir Patrick Dupont pour un ballet mi-classique, mi-contemporain…
Vous vous êtes toujours amusé, en fait !
Toujours car je n’ai jamais considéré le métier de danseur et chorégraphe comme un travail. C’était et c’est toujours ma vie.
Vous disiez adorer Paris mais vous vivez sur la Côte d’Azur !
Oui… parce que je suis à nouveau tombé amoureux, de la mer, du soleil… de ma femme ! J’ai acheté un bateau et après quelques essais infructueux, j’aime partir tout seul sur la mer. J’aime cette solitude, faire le vide et revenir rasséréné.
Aujourd’hui je travaille beaucoup moins,donc je vis là mais à chaque retour à Paris, lorsque je la traverse vers six heures du matin, c’est toujours le même enchantement.”
Barry Collins vient donc de temps en temps à l’Opéra de Toulon, en voisin, invité par le directeur, Claude-Henri Bonnet. Il est déjà venu trois fois pour présenter le ballet de Mikis Théodorakis “Zorba le Grec”, avec Cyril Atanassoff et en fin d’année 2012 avec Konstantin Neroslov. A noter la présence à ses côtés de Godefroy Lafargue, deux merveilleux danseurs.
“Zorba est un ballet que j’ai découvert à Vérone où il a été créé. Il y avait sur scène une centaine de danseurs. C’était très classique, très intello, en fait… très ennuyeux ! J’ai eu envie de le monter comme une comédie musicale, un peu comme une BD, plein d’images, afin que tout le monde comprenne l’histoire, que j’ai un peu transformée, et j’ai remanié la musique en en changeant l’ordre. J’ai proposé cette nouvelle mouture à Claude-Henri Bonnet et nous l’avons créée avec Cyril Atanassoff. Bien sûr, les puristes ont crié au scandale mais ça a très bien marché. On l’a joué deux fois et comme il le revoulait, j’ai décidé de rajeunir les danseurs.
Vous n’arrêtez pas de travailler ?
(Rires) Aujourd’hui beaucoup moins mais par la force des choses, vu mon âge ! J’ai toujours quelques projets mais d’abord je ne suis plus à Paris, je n’aime pas aller frapper aux portes et j’attends donc qu’on me fasse signe, comme l’a fait Claude-Henri. Mais les projets sont de plus en plus difficiles à monter, les opéras se débarrassent peu à peu de leur compagnie de danse.
Toulon reste un rare opéra à avoir sa compagnie… Pourvu que ça dure !
Que pensez-vous des comédies musicales qui se montent à Paris ?
Ce qui est formidable, c’est que ça fait travailler beaucoup de monde et on se rend compte qu’il y a beaucoup de talents en France, sachant danser, jouer, chanter… même si ce ne sont pas des stars. Le problème est qu’aujourd’hui il faut monter un spectacle qui soit rentabilisé tout de suite. Ce sont les producteurs de disques qui décident : il faut vendre très vite les disques, rentabiliser à Paris puis en tournée de Zéniths tout de suite après, ce qui est horrible. En trois ans tout est fini alors qu’en Angleterre ou aux Etats-Unis, les comédies restent des années dans des salles moyennes et rentabilisent sur la longueur. En France c’est tout, tout de suite. Si ce n’est pas une affaire rentable, on arrête.
Ne fait-on pas appel à vous ?
Je suis trop vieux, les jeunes ne savent même pas que j’existe. Et puis je suis dépassé aujourd’hui. Par contre j’ai un projet avec les ballets de Monte Carlo qui devrait voir le jour en février-mars : “Cross over cross”, une production de Jean-Louis Grindat avec les musiciens et les chœurs de l’Opéra de Monte Carlo, un spectacle qui mêlera musique classique et musique… des Beatles… C’est très excitant.
Vous voyez, l’envie est toujours là… il suffit qu’on m’en donne l’envie !”
Propos recueillis par Jacques Brachet