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Audrey Pulvar, Libre et insoumise

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Son franc parler peut plaire ou déplaire, on la connaît pour ses coups de gueule notamment chez Laurent Ruquier au côté de sa consœur Natacha Polony, pour ses prises de position, son indépendance, son féminisme, sa défense des libertés. Mais Audrey Pulvar est journaliste avant tout, elle commence dans les années 90 sur ATV, chaîne généraliste martiniquaise, puis passe par LCI, TV5, France 3 où elle présente le Soir 3, France 2, D8, ou encore RTL. Elle est à présent une des «têtes d’affiche» de la chaîne info du groupe Canal+, iTELE où elle est en charge du Grand JT de 20h30 et de l’émission de débat du dimanche « On ne va pas se mentir ».

L’année dernière, Audrey Pulvar publiait « Libres comme Elles », une superbe série de portraits de femmes exceptionnelles qui ont marqué sa vie, son identité ; des romancières Toni Morrison et Karen Blixen à Camille Claudel et Nina Simone. Un succès.
Cette fois, la journaliste publie, le pendant masculin de « Libres comme Elles » sous le titre « Libres et Insoumis» une galerie de portraits très personnelle d’hommes aux destins exceptionnels qui l’ont marquée profondément et ont construit sa vision critique et philosophique du monde.
Audrey Pulvar sera de passage dans notre région le 5 décembre pour une dédicace à la Librairie Mille Paresses au Pradet. Avant sa venue, elle a accepté de répondre à quelques questions.
Après « Libres comme Elles », hommage aux femmes qui ont construit votre identité féministe et politique, pourquoi avoir eu envie d’écrire cette fois sur les hommes qui ont marqué votre vie ?
Au départ, il n’était pas prévu d’écrire une suite, mais « Libres comme Elles » a été un gros succès et lors des dédicaces et des rencontres avec les lecteurs, les gens demandaient deux choses : s’il y aurait un 2e tome et s’il y aurait une version masculine du livre. Nous avons donc décidé avec les Editions de la Martinière de faire cette « suite masculine ».

Audrey Pulvar - Limpact

Comment s’est fait le choix de ces 20 personnages, n’était-ce pas trop difficile ou compliqué de choisir ?
L’idée était de parler de personnalités qui ont vraiment compté dans mon adolescence, dans la construction de ma vie d’adulte et qui comptent encore aujourd’hui.
Oui, c’est vrai, si j’avais eu le choix, j’aurais écrit au moins 25 portraits dans chaque livre. Pour « Libres comme Elles», c’était pareil, j’aurais aimé ajouter Colette et Georges Sand par exemple. Et dans ce 2ème opus, j’aurais écrit sur le poète Aimé Cézaire, qui est tout de même très présent dans le livre même s’il n’y a pas de chapitre sur lui, ou encore Albert Camus, présent aussi notamment lorsque je fais le portrait du poète et résistant René Char. Mais il fallait se limiter à 20, notamment pour des raisons budgétaires car nous tenions à ce que chaque portrait soit richement illustré de photos, de gravures, de documents pour lesquels il faut parfois payer des droits d’auteur assez élevés.

Le résultat est un étonnant mélange où l’on passe de Alexandre Dumas au peintre Jean-Michel Basquiat, du romancier André Brink à l’écrivain Salman Rushdie en passant par le funambule Philippe Petit. Mis à part leur liberté et leur insoumission, quels autres points communs ont le boxeur Mohamed Ali, Jacques Brel et Honoré de Balzac ?
Ce qui les relie dans ce livre, c’est d’abord ce qu’ils m’ont apporté. Ce sont des hommes dont l’œuvre, le discours, les luttes m’ont inspirée depuis toujours. Leur point commun c’est qu’ils ont tous fait des choix personnels, politiques ou artistiques qui allaient à l’encontre de leur époque et des conventions sociales. Ils ont tous contribué à leur façon à la défense des libertés, de nos libertés, celles qui sont attaquées aujourd’hui. Mais, ce qui m’a frappée chez ces hommes, libres et insoumis, c’est que lorsqu’on se penche sur leur vie, que l’on creuse dans leur histoire, on s’aperçoit que ce qui les relie, c’est leur grande solitude. J’utilise cette phrase de René Char dans la préface : ils sont des « désenchantés silencieux ».

« Libres et insoumis » de Audrey Pulvar (Editions de La Martinière) - Limpact

Dans la préface justement, vous commencez par parler de votre enfance, des femmes de votre entourage, de la frustration que vous ressentiez d’être « enfermée » sur cette île de Martinique qui vous a vu naître, de l’envie urgente de lire tous ces livres empilés sur de hautes étagères. Cette envie de liberté, d’évasion, vous l’avez eue très jeune… Est-ce ce qui vous rapproche de tous ces grands hommes ? Est-ce que vous leur ressemblez finalement ?
Holala, très modestement. Je ne prétends aucunement être à leur niveau mais leurs questionnements me touchent bien sûr et c’est pour cela que les textes que j’ai rédigés sont très personnels. Tout a été écrit sur ces hommes, sur ces gens qui ont peuplé mon univers, ma jeunesse, c’est pour cela que je n’ai pas eu envie que l’on ajoute une biographie, même succincte, avant chaque portrait. J’ai décrit des sensations, des émotions. Le texte sur l’écrivain américain Jim Harrisson est sans doute le plus personnel et le plus intime car cet auteur me bouleverse depuis toujours, j’aime son écriture, son univers, ses ambiances, ses descriptions, ses personnages. Je rêve de le rencontrer et de l’interviewer un jour. Mon idée, c’était de donner envie au lecteur de redécouvrir des personnalités comme Jim Harrison, de se replonger dans leur œuvre, de lire ou relire leurs textes, d’écouter leurs chansons, leurs discours ou revoir leurs exploits. Si une seule personne, à la fin de la lecture de mon livre, relit « Le Père Goriot » de Balzac ou « Dalva » de Jim Harrison par exemple, je serai ravie, j’aurai atteint mon but.

Le titre « Libres et Insoumis » a une résonnance tragique avec l’actualité, les événements du 13 novembre…
Oui parce que c’est justement la liberté que l’on attaque et la singularité. Bien sûr, la sortie était prévue avant les attentats et j’ai écrit le livre bien avant mais j’ai vraiment la sensation que tout ce dont on parle depuis les événements, la liberté, la liberté d’expression, les valeurs humanistes, les valeurs républicaines sont dans ce livre, dans l’histoire de ces hommes hors du commun.

Existe-t-il encore des hommes libres et insoumis dans les nouvelles générations ?
Oui, il y a forcément des hommes insoumis et libres parmi nos contemporains et certains sont dans le livre : Philippe Petit, funambule qui réalise le rêve de tous, voler, marcher dans les airs ; l’écrivain martiniquais Patrick Chamoiseau qui défend la culture créole ; Salman Rushdy qui fait l’objet d’une fatwa depuis 1989, depuis 26 ans pour son livre « les versets sataniques », un déchaînement de violence contre les idées de liberté et d’égalité qui nous touche particulièrement ces derniers jours.

Séance dédicace de Audrey Pulvar - Limpact

Vous êtes une personne extrêmement occupée avec le Grand JT et l’émission de débat du dimanche sur iTELE, malgré cela, vous passez votre temps libre à aller en province pour dédicacer vos livres dans des librairies comme Mille Paresses au Pradet où vous serez le 5 décembre. C’est important pour vous ?
C’est très important, c’est l’occasion d’être en contact direct avec les lecteurs, d’échanger avec eux. Les librairies sont des lieux que j’aime et que je défends. Même si c’est parfois fatiguant, je ferai toujours ces séances de dédicaces, c’est très enrichissant. Il y en a certaines dont je me souviendrai toute ma vie.

Audrey Pulvar dédicacera ses livres à la Librairie Mille Paresses, 201 avenue de la 1ère DFL, 83220 Le Pradet, le samedi 5 décembre à 14h30.

« Libres et insoumis » de Audrey Pulvar (Editions de La Martinière) 35 €

Propos recueillis par Pierre Yves Dodat
Crédit photo : ©Augustin Detienne