Juillet et août, deux mois de farniente pour lire à l’ombre des pins parasols, au bord de la plage ou sous l’ombrage frais d’un figuier, dans le hamac du fond du jardin. Que vous soyez plage ou jardin, au plus fort de la chaleur, la seule solution est de se caler avec une bonne BD, et de la savourer, lentement, en appréciant chaque page, chaque case, chaque dialogue. Le seul effort à faire, se laisser porter par la magie de l’histoire et, de temps en temps, tourner la page. C’est si bon l’été !
Issus de l’école italienne, Barbara Canepa et Alessandro Barbucci, ont longtemps travaillé pour Disney Italie. Mais c’est en créant la série Sky-Doll, en 2000, chez Soleil, qu’ils vont se faire connaître d’un large public français. Leur style est un heureux mélange des trois grands courants de la BD mondiale : l’école européenne, les comics américains et les mangas japonais. Les subtiles influences des plus grands dessinateurs tels que Mœbius, Claire Wendling ou encore Miyazaki (studio Ghibli) se retrouvent dans le dessin élégant d’Alessandro Barbucci. Le scénario, écrit à quatre mains fait indéniablement penser au film de Ridley Scott, Blade Runner (tiré d’un roman de Philippe K. Dick) : on y parle de robots androïdes à la recherche de leurs origines. Mais si le film évoquait surtout une planète polluée et dirigée par des multinationales, nos deux créateurs italiens s’attaquent dans leur BD aux religions (et plus particulièrement à leurs dirigeants et à leurs querelles stériles) qui ne sont là que pour duper le peuple et le manipuler. Canepa et Barbucci nous entrainent avec leur superbe héroïne Noa, de planète en planète, à la recherche de la vérité sur son passé. Le dessin virtuose de Barbucci et son incontestable talent de metteur en scène, ainsi que les couleurs acidulées de Canepa, font de ce tome 4 une véritable réussite.
« Sky-Doll » T.4 Sudra, de Barbucci et Canepa, éditions Soleil
Manu Larcenet est un auteur incontournable de la bande dessinée française. Arrivé dans la profession grâce au journal humoristique Fluide Glacial, il s’est vite fait remarquer par le public, bien sûr, mais aussi par des professionnels tels que Trondheim ou Ferri, qui se sont empressés de lui proposer des scénarios. Mais c’est en écrivant ses propres histoires, dans un registre plus grave et plus introspectif, qu’il va trouver sa véritable voie. Son dessin sombre, son trait parfois charbonneux collent parfaitement aux récits intimistes et aux personnages morbides qu’il nous décrit dans «Blast». Pour son nouveau livre, Larcenet s’est lancé dans l’adaptation d’un roman de Philippe Claudel, Le Rapport de Brodeck, en deux tomes de 160 pages, format à l’italienne. Son dessin noir, précis, harmonieux pour décrire la nature et les animaux, se transforme en coup de scalpel, chirurgical et méticuleux, mais tranchant et sanglant, pour nous parler des hommes et de leur médiocrité. Manu Larcenet s’approprie le texte de Claudel et par la puissance de son dessin transforme les mots en coups de poing, en uppercut qui nous touchent, nous ébranlent et nous laissent groggy lorsqu’on referme le livre. Une magistrale adaptation, portée par un dessin fort et maîtrisé, que tout amateur de BD doit avoir lu et doit conserver précieusement dans sa bibliothèque.
« Le Rapport de Brodeck », T1 et 2, de Manu Larcenet, édition Dargaud
Les Campbell sont une famille de pirates qui vivent, sous la plume du prolifique Jose Luis Munuera, de formidables aventures, rocambolesques à souhait et dans la plus pure tradition des frères de la côte. Découpé en courts chapitres d’une douzaine de pages, chaque tome de la série nous fait découvrir un peu mieux cette famille pas comme les autres et, grâce à de judicieux flashbacks, nous en apprend, au fil des pages, un peu plus sur leur passé. Dans un style humoristique et enlevé, Munuera qui réalise seul dessins et scénario, nous embarque avec lui sur des voiliers majestueux et, d’abordages en tempêtes, nous emmène à la recherche de fabuleux trésors. On pense à «Pirates des Caraïbes» bien sûr, mais sans la surenchère d’effets spéciaux puisqu’en dessin on peut tout se permettre, juste avec du papier, de l’encre et beaucoup de talent. Les dialogues sont drôles, le rythme endiablé et les dessins virtuoses sont mis en valeur par les couleurs de Sedyas. Une série tout public, pré-publiée dans les pages du journal Spirou, qui connaît un succès croissant et devrait devenir un classique.
« Les Campbell », T. 4 L’Or de San Brandamo, de José Luis Munuera, éditions Dupuis
Pascal Orsini