A 40 kilomètres de distance, les deux ports jouent la carte de la complémentarité pour attirer de plus en plus de touristes. Marseille ne devrait pas tarder à entrer dans le Top 5 des ports méditerranéens tandis que Toulon joue les précieux rabatteurs. L’horizon économique est au beau fixe.
La mer enchantée par Charles Trenet est en passe de devenir, en Méditerranée, un eldorado économique pour les croisiéristes. Et, dans ce bras-de-fer économique, Marseille et Toulon ont décidé de jouer la complémentarité plutôt que de se livrer à une stérile confrontation. En octobre dernier, le port de Marseille a franchi un cap symbolique, celui du million de croisiéristes qui ont foulé le sol marseillais lors d’une escale. C’est 30 % de plus par rapport à 2012. Désormais, 350 escales concernent le port de Marseille (109 pour Toulon en 2014), où les personnels de 30 compagnies et autres tour operators se croisent régulièrement. Signe des temps : en 2013, pour la première fois, l’activité croisière aura dépassé celle des lignes régulières des ferries sur la Corse et le Maghreb. Des résultats obtenus, entre autres, grâce à l’évènement culturel fédérateur que fut Marseille Provence, capitale de la culture européenne en 2013.
L’effet Marseille capitale européenne de la culture
En dehors d’une liaison directe avec les Etats-Unis (premier marché international de la croisière), l’année culturelle a permis de créer de nouveaux établissements hôteliers et de favoriser l’expansion de l’offre touristico-culturelle. Les retombées devraient être conséquentes pour cette année 2014. D’après le Club de la croisière Marseille Provence, l’activité devrait progresser de 20 % (427 escales sont programmées et 1,3 million de passagers sont attendus, dont 55 000 sur le seul mois de janvier, connu par les professionnels pour être le plus creux du calendrier). Avec de tels résultats, Marseille se situe en tête des ports de croisières français. Mais elle reste encore au pied du Top 5 européen, à la 6e place, derrière Barcelone, Rome, Venise, Majorque et Naples.
Des retombées croissantes pour l’économie locale
Cette belle performance n’est pas le fruit du hasard. Depuis 20 ans, une politique volontariste a été menée par les pouvoirs publics pour réorienter l’activité portuaire. L’historique des chiffres parle de façon éloquente : en 1995, à peine 18 000 passagers débarquaient à Marseille?; ils étaient 360 000 en 2005. Pour relever un tel défi, des investissements financiers importants ont été réalisés : 110 millions d’euros sur les deux dernières décennies ont été consacrés aux
aménagements du port, dont 35 M€ pour l’élargissement de la passe nord du port. Des
investissements publics et privés qui sont en passe d’être facilement amortis : on estime en effet à 67 euros la dépense moyenne par croisiériste et à 138 euros par passager les retombées indirectes sur l’économie locale. Marseille sait pourtant qu’elle ne doit pas s’endormir sur de si jolis lauriers : le moindre tassement de l’activité aurait pour effet immédiat de remettre dans le coup d’autres ports méditerranéens dans une lutte acharnée pour récupérer ces touristes de plus en plus nombreux à opter pour ce mode de voyage. « L’activité croisière est un plus pour nous. Nous envisageons des investissements futurs liés aux engagements des pouvoirs publics. Marseille est une marque territoriale de plus en plus reconnue et la Provence en bénéficie dans la foulée », affirme Olivier Carvin, président du groupe hôtelier Maranatha.
Complémentarité avec Toulon
La dynamique marseillaise n’est pas sans effet sur l’activité toulonnaise. Avec un sens de l’anticipation affirmée, Costa Croisière a choisi le port de Toulon comme tête de ligne pour 2014. La compagnie italienne, qui a récemment assuré qu’elle allait intégrer à sa flotte le Grand Mistral, jusqu’ici exploité par sa filiale espagnole Iberocruceros, a en effet décidé de proposer ce navire sur de nouveaux itinéraires au départ de France. Rebaptisé Costa neoRiviera, l’ex-Mistral, livré en 1999 par les chantiers de Saint-Nazaire, sera positionné à compter d’avril 2014 dans le port varois. Ce dernier partira pour de longues croisières, d’une dizaine de jours, avec des itinéraires variés proposés par les grands paquebots, notamment ceux de Costa en tête de ligne à Marseille. En s’installant à Toulon, la compagnie n’entend pas pour autant déserter Marseille. Bien au contraire, puisqu’elle exploitera au départ du port phocéen une demi-douzaine d’autres navires l’an prochain (Costa Pacifica, Costa Serena, CostaneoRomantica, Costa Luminosa et Costa Mediterranea notamment) avec une capacité record et une très large variété dans l’offre en termes d’itinéraires et de durées. « Nous proposerons l’an prochain un nombre très important de croisières au départ de Marseille. Toulon n’est pas un choix par défaut, c’est une offre complémentaire, notamment pour la clientèle internationale, qui va pouvoir découvrir cette région et son arrière pays, où il y a de très belles choses à voir. A un moment, il était aussi normal de faire quelque chose avec Toulon, qui reçoit depuis longtemps nos navires et met à leur disposition des quais lorsque ceux-ci ne peuvent accéder à Marseille à cause du Mistral », expliquait récemment Georges Azouze, président de Costa Croisières France, dans la presse spécialisée. Autant de bonnes nouvelles qui permettront aux acteurs économiques d’envisager de sonnes et trébuchantes retombées.
Dominique Albin
Crédit Photos : Costa Croisières –