Michel Estades est un esthète. Mais un esthète qui ne tient pas en place.
Curieux de tout ce qui se fait en matière d’art, il court les galeries du monde, un jour à Rouen, ou Strasbourg, le lendemain à Londres ou Amsterdam, il piste les artistes en devenir, les talents nouveaux pour les faire découvrir aux amateurs d’art. Et lorsqu’il tombe en arrêt devant un artiste original, aussitôt il l’importe dans ses galeries de Toulon, de Lyon, de Paris.
Ce petit jeunot qui faisait les brocantes est aujourd’hui devenu l’un des grands manitous de l’Art que l’on suit avec assiduité, avec curiosité, avec confiance, car il se trompe rarement sur ses choix. Et de plus, il leur reste fidèle, d’Astoin à Buffet, de Baboulène à Sardi.
Jean Sardi, justement, qui revient souvent chez lui, aimé et choyé.
Toulonnais de naissance, Méditerranéen pur jus, talent incontestable de l’école provençale d’aujourd’hui, et qui est installé chez Michel Estades jusqu’au 23 novembre.
A chaque passage chez son ami, c’est un Sardi ni tout à fait différent, ni tout à fait le même car il évolue avec une belle énergie.
Energie pleine de ce soleil qui lui manquait tant lorsqu’il était enseignant chez les Ch’tis !
Energie qu’il met au service de ces paysages provençaux sis entre la Provence et la Corse, qu’ils soient mer, montagne, campagne… La nature est là joyeuse, vive, colorée et prend sous ses doigts des airs chantants…
La mer qu’on voit danser, tous les bateaux qui se balancent, ces toits de tuile rouge et ces cyprès longilignes sous un ciel d’azur. C’est la Provence multicolore, une Provence qu’il sait sublimer et donne envie d’y rester toujours. Loin d’être la caricature de ces paysages provençaux des peintres dits “du dimanche”, il y a chez lui une force vive et vivante, chatoyante où se mêlent de grands aplats, des tâches en feux d’artifice, des couleurs qui s’entrechoquent avec une luminosité toute méditerranéenne. Des impressions, vues de loin, qui deviennent de près des détails réjouissants.
Tout à coup il quitte ses paysages enchanteurs pour entrer dans la ville aux immeubles agressifs qui tentent de griffer le ciel, aux voitures embouteillées dont on entend le bruit assourdissant rien qu’en regardant la toile. Des rues qui ressemblent à Hollywood Boulevard qui nous fascinent et nous donnent d’autant plus l’envie de revenir flâner dans ses paysages où respirent joie et sérénité.
On sort de cette exposition avec un regard ébloui par tant de force mais aussi de bonheur de découvrir la chaleur, l’amour qu’il porte à “son pays” fait de soleil et de mer et de nature sauvage et libre.
S’enfonçant dans l’automne, on est heureux d’avoir respiré ces instants estivaux et apaisants.
Jacques Brachet
Photo Monique Brachet