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Institut océanographique Paul Ricard : L’île mystérieuse

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Un peu comme dans “L’ile Mystérieuse” de Tintin, avec on château, l’Institut Océanographique Paul Ricard sur l’île des Embiez, est connu sans que l’on sache vraiment ce qui s’y passe.
Paul Ricard a créé l’Institut Océanographique qui porte son nom, en 1966, sur l’île des Embiez. C’était en réaction contre l’une des premières pollutions industrielles en Méditerranée.
D’abord appelé Observatoire de la mer, l’association est devenue la Fondation Scientifique Ricard – Observatoire de la mer en 1975, puis Fondation Océanographique Ricard en 1979, prenant son nom actuel d’Institut Océanographique Paul Ricard en 1991.
C’est en 1972 que Nardo Vicente est sollicité pour prendre en main les destinées du futur observatoire de la mer, dans le cadre du projet Ecotron. Ce projet vise à optimiser la production aux zones littorales, de plancton, coquillages et poissons, la chaîne alimentaire en milieu marin. Ce programme a d’ailleurs considérablement contribué à la réputation de l’institut. A 76 ans, Nardo Vicente continue de travailler par passion et bénévolement pour l’Institut Océanographique Paul Ricard. Il nous parle des travaux qui y sont faits.

Les grandes nacres à l'Institut Paul Ricard

La lagune du Brusc, milieu de référence
“La lagune du Brusc est notre milieu de référence depuis l’origine. Au début des recherches de l’institut, c’était un milieu écologique incomparable” nous dit-il. Déjà en 1975, Nardo Vicente et son équipe, avaient proposé un périmètre de protection. Le label Natura 2000 obtenu par l’ile, en 2004, l’a confirmé.
A l’heure actuelle quatre sujets principaux sont à l’étude. Le premier concerne les oursins. Cette espèce n’est pourtant pas menacée, mais sa ressource, oui. L’institut aide la production entre La Ciotat et Carqueiranne sur cinq stations de la côte varoise. Avec leurs couveuses, ils ont donné naissance et mis à l’eau 1.500.000 oursins chaque année.
Le deuxième concerne la biodiversité. Dans le cadre de Natura 2000, un inventaire des espèces de poissons a été entrepris entre le Brusc et Cap Sicié.
Le troisième sujet est dans l’air du temps, puisqu’il traite des solutions anti-pollution. Il s’agit d’une étude sur la colonisation d’un substrat artificiel, en sortie de station d’épuration, à l’aide  de récifs, également artificiels. Ce projet, financé par TPM, vise à recréer la vie dans ces zones devenues mortes, à cause de la pollution. L’eau rejetée par la station, contient, en fait des sels nutritifs. Sur le récif, un voile bactérien se constitue, qui servira de nourriture à des organismes. Il servira ensuite aux vers, coquillages et poissons, qui vont y nidifier.
Enfin, les travaux sur les parcs (Port Cros, Scandola en Corse, Parc marin de la Côte bleue, réserve de Monaco) et les réserves protégées, sont une constante, avec un travail sur de nombreuses espèces. La grande nacre de Méditérranée, par exemple, espèce protégée, est un sujet d’étude cher à Nardo Vicente.
Mais ne cherchez pas sur l’ile, le grand gorille cher à Tintin. Ici, sur cette ile mystérieuse et paradisiaque à la fois, ce sont plutôt des hippocampes que vous pourrez trouver. L’institut les élève et les étudie… C’est plus petit et bien plus mignon !

Nardo Vincente

nardo vicente, écolo avant l’heure
Il a 76 ans, est vif comme un saumon, a connu Alain Bombard, Paul Ricard et cotoyé Cousteau. Depuis près de soixante ans, Nardo Vicente fait des recherches sur le milieu marin et ses éco-systèmes. Lui qui se qualifie de “vieux, près de la case départ”, continue pourtant à travailler par passion, bénévolement, pour la sauvegarde de notre environnement aquatique.
Nardo Vicente est né à Barcelone en 1936, en pleine guerre  d’Espagne. Devenu Provençal d’adoption, en 1939, il apprend à nager tout seul dans le bassin du Château de Pioule. “J’étais toujours dans l’eau”, me confie- t-il. En 1945, il arrive à Marseille, quartier des Aygalades, dans une maison où habite encore sa maman, âgée de 101 ans… et demi ! Il y fait toute sa scolarité en pratiquant ses deux passions : le rugby et le cyclisme. Il faisait partie du club “La pédale joyeuse” et faisait quelques courses locales par plaisir. Encore maintenant, il fait partie du célèbre groupe “Les 13 à la douzaine”, créé le 13 octobre 1935 par douze copains, autour des frères Pélissier. “C’est ce qui me permet de tenir le choc. Après l’intellect, le sport fait partie de mon équilibre”, dit-il.
Rapidement, une troisième passion l’anime : la plongée, qui lui permet de mêler le plaisir au travail. Il la commente ainsi : “Lorsque j’ai vu la Méditerranée, je me suis dit que je ne m’en séparerais jamais. J’ai fait mes premières plongées au Château d’If, et ma passion est partie de là”.

Une vie de recherche
Sa longue vie de chercheur débute en 1959, alors qu’il est intégré, en biologie animale, à la station de recherche marine d’Endoume (Marseille). Il s’inscrit alors en thèse, sur le thème des mollusques. C’est là qu’il fait ses premières plongées en bouteille et descend à 45m, sur l’épave de Cousteau. Le service militaire est une coupure pas si désagréable, puisque il le fait dans la marine après avoir entendu cette phrase : “Vous avez les pieds plats, vous ferez un excellent marin”.
En 1967, il passe sa thèse avec succès et est nommé Maitre de conférences un an plus tard, à St Jérôme. La rencontre décisive a lieu en 1972 : le professeur Chantreau, alors membre du conseil d’administration du Laboratoire de la Mer d’Alain Bombard, lui propose de créer le sien sur l’ile des Embiez, avec un budget pour un groupe de chercheurs. Il accepte, tout en continuant en même temps à Endoume. C’est en 1975 qu’il quitte l’institut marseillais, pour se consacrer entièrement à ses travaux de recherche aux Embiez. Il y est toujours, après avoir participé à l’important programme Ecotron, ainsi qu’à l’obtention du label Natura 2000, qui concerne l’archipel des Embiez. C’est lui, d’ailleurs, déjà en 1975, qui avait proposé un périmètre de protection, repris dans le projet.

Nardo Vicente et Paul Ricard
Nardo Vicente a évidemment connu la famille Ricard et particulièrement Paul Ricard : “Je l’ai cotoyé pendant 30 ans. C’était un touche à tout de génie, un homme de bon sens, un personnage entier. Il avait une admiration profonde pour les medecins et les chercheurs et on s’intimidait réciproquement. Il a été génial jusqu’au bout”.
Nardo Vicente est un homme simple et passionné. Intarissable quand il parle de la mer, ce dernier Professeur Tournesol a, lui,  bien les pieds sur terre. Petit à petit, il passe le flambeau, à une équipe toute jeune et motivée, après avoir marqué, discrètement, des décennies de recherches sur la mer. C’est une mémoire vivante de l’évolution de la Méditerranée. Un homme rare…

Reportage :  Pascal Hermer

Institut Paul Ricard, bassin des hippocampes