Il y en a de deux sortes, la plus petite connue en Provence sous le nom de cigalou que l’on trouve quelquefois dans la bouillabaisse et la plus grande, Scyllarides Latus, dont nous allons parler ici.
Les cigales de mer, ce sont des crustacés comme la langouste. Leur forme est plus plate avec une carapace plus épaisse. Elles n’ont pas de pinces ni d’antennes, ces dernières sont remplacées par des palettes arrondies et crénelées.
La grande cigale peut atteindre 50 cm, dans le meilleur des cas. Elle vit dans l’Atlantique mais surtout en Méditerranée entre trois et cent mètres maximum.
Cet animal vit dans des grottes obscures ou sous des voûtes quelquefois à plusieurs. Craintives, elles se déplacent très vite si on les approche sans précaution.
On a observé, en aquarium, qu’elles se livraient à un bruitage la nuit produisant des sons sous forme de claquements aigus. Peut-être leur nom de cigale trouve-t-il là son origine.
À titre personnel, ce crustacé me rappelle deux souvenirs marquants.
La première fois, c’était en 1955, alors que j’étais plongeur au GERS dans la Marine nationale. Notre commandant. Philippe Tailliez avait mis au point un énorme projecteur de 10.000 watts alimenté par un câble le reliant à notre navire l’Elie Monnier.
Comme il nous fallait traîner le tout sur le fond, il avait prévu beaucoup de plongeurs qu’il avait nommés ses “cablophores”- dont j’étais – c’est-à-dire ceux qui soulageaient le-dit câble d’un diamètre et surtout d’un poids conséquents. Heureusement, ce n’était pas profond, seulement une vingtaine de mètres, et il s’agissait d’aller éclairer et filmer la grotte aux cigales.
C’était une immense voûte sous les falaises d’Escampobariou, au bout de la presqu’île de Giens juste avant la grande passe de Porquerolles.
Avec ce violent apport de lumière, c’était magnifique. Les cigales nombreuses étaient figées, collées sous la voûte. Une fois le tout en place, les images faites, notre pacha voulut partager sa joie et nous a conviés à admirer ce spectacle pendant un bon moment. Inutile de vous dire que je n’ai jamais revu de telles images depuis.
Le second souvenir est lui bien plus prosaïque.
Quelque dix années plus tard, libéré de mes devoirs militaires, j’étais avec une bande d’amis scaphandriers professionnels eux aussi, en Corse dans un cabanon que j’avais construit à Pianottoli Caldarello.
Arrivés avant Noël, nous avions prévu un réveillon substantiel, à base de gibier local, comprenant bécasses, perdreaux et quelques merles en terrine.
Lorsque l’un d’entre nous considère soudainement que quelques poissons ne pourraient pas nuire à nos agapes, s’offrant à tirer un ou deux loups dans la légère écume d’une roche situé au milieu de la baie voisine de Chevanu.
Sitôt dit, sitôt fait. Le connaissant comme un fin fusil, ne doutant pas de la réussite de sa chasse, nous étions là, à l’attendre, assis sur la plage, profitant d’un beau soleil de décembre, si particulier en Corse-du-Sud.
Quand nous le voyons sortir de l’eau, nous sommes déçus. Pas de poisson, juste un filet d’oursins qu’il avait prévu en hors d’œuvre.
Ricanements de notre part, plaisanteries douteuses qui se sont vite éteintes, quant au milieu des oursins, nous découvrons une cigale de mer d’une belle taille, le maximum même.
Ainsi, nous n’avons pas eu de poisson mais la chair délicate de ce crustacé.
Nos épouses et compagnes nous l’ont présenté en médaillons entourés d’une mayonnaise au corail d’oursins.
Si je savais qu’il vous est possible d’en trouver sur le marché, ce dont je doute cependant, je vous conseillerais d’en faire autant pour votre réveillon de Noël cette année.
Le nôtre fut royal, arrosé d’un vin rosé de Sartène au son de la guitare de l’un de nos amis du village.
Gérard Loridon
Photo Frédéric André