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Olivier Adam “La côte d’Azur est une métaphore du Pays”

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C’est un des meilleurs de cette rentrée littéraire, « Peine perdue », le dernier roman d’Olivier Adam nous plonge dans une intrigue passionnante et poignante, c’est l’histoire d’une station balnéaire du sud de la France, ici dans le Var, un décor de rêve qui va vite se transformer en un dramatique récit, le reflet d’une société en crise, la réduction de tous les possibles. L’écriture cinématographique de l’auteur laisse penser que son roman n’est autre qu’un puzzle à la construction littéraire parfaite. Je vous laisse le découvrir…

Rencontre avec l’auteur lors de sa venue à Charlemagne Toulon.

Pourquoi accordez-vous autant d’importance à la Côte d’Azur dans vos romans ?
Cela fait 20 ans que je passe du temps à Agay sur l’Estérel hors saison, au fil des livres, j’ai toujours glissé des petites scènes, cela faisait longtemps que j’avais envie de faire un livre qui s’y passe entièrement. Sur la Côte d’Azur, je trouve qu’il y a une espèce de métaphore du pays, ce sont des lieux connus pour leur côté « paillettes », les yachts, les grands hôtels, puis en même temps ces lieux sont habités par des gens représentatifs de ce qu’est la France aujourd’hui, à savoir la précarité et ici peut-être encore plus qu’à d’autres endroits, parce que ce sont des villes qui travaillent beaucoup avec des saisonniers et l’industrie du tourisme ne génère pas forcément de très haut salaires, cela m’intéressait donc au niveau social. J’avais également envie de flotter avec le roman noir mais de loin, le roman noir ne m’intéresse pas beaucoup mais il y a cette possibilité de faire affleurer une violence sociale ou physique de la société française même s’il s’agit d’imagerie, le Sud Est se prêtait parfaitement bien.

Qu’est-ce qui vous inspire dans le Var particulièrement ?
Je suis toujours fasciné par l’ambiance des stations balnéaires et des villes de bord de mer hors saison, je trouve qu’il y a une mélancolie très particulière dans le Var, une atmosphère, à Saint-Raphaël avec les manèges bâchés, les baraques à gaufres, les glaciers, à Boulouris, à Agay, à Anthéor, toutes ces belles villas fermées, sans personne, on a l’impression que les villes flottes dans leurs vêtements, qu’elles sont conçues pour accueillir plein de gens. Il y a également une déflagration d’activité, de joie, d’argent qui provient de l’été et puis tout à coup il y a cette espèce de gueule de bois comme je dis dans le livre.

Olivier Adam, Peine perdue - Limpact

Dans quel but avez-vous opté pour une construction littéraire basée sur 23 portraits ?
Je suis obsédé dans mes livres par l’idée de réunir l’intime et le collectif, le psychologique, le sentimental ou l’émotionnel et le social, je veux à la fois dire quelque chose à propos de la condition humaine, les liens que l’on a, ce que le temps fait de nous mais aussi de la société. A un moment donné, il m’est apparu une contradiction dans mon propre travail, vouloir travailler le collectif en passant toujours par un seul personnage, je me suis donc dis  autant faire en sorte que le personnage principal du livre ne soit pas une personne mais une communauté directement. Je me suis beaucoup inspiré des séries américaines qui ont une multiplicité de personnages secondaires et principaux, qui nous invitent à suivre leurs itinéraires mais dressent aussi le portrait d’une collectivité. Je voulais mettre en scène un corps social, c’est-à-dire, des individus autonomes mais en interaction les uns avec les autres. Dans mon roman, chaque personnage se succède et prend en charge une seule et même intrigue.

Une adaptation au cinéma est-elle prévue ?
Oui, j’ai aussi des projets sur mes précédents livres, « Le Cœur régulier » va passer au Printemps avec Isabelle Carré dans le premier rôle, ça a été un peu long à monter car il a été tourné pour les trois quarts au Japon avec des acteurs japonais en grande partie. « Les lisières » est en cours d’écriture avec Philippe Lioret avec qui j’avais déjà fait « Je vais bien, ne t’en fais pas. » Il y a trois boîtes de production qui parallèlement essaient de monter la même chose, en série, qui se tournerait in situ, à Saint-Raphaël. Je ne pense pas au cinéma lorsque j’écris, mais il se trouve que ce que je n’anticipe pas, les réalisateurs le voient, c’est une chance.

Propos recueillis par Marine Astor
Crédit photo : David Ignaszewski Koboy © Flammarion
Peine perdue, Olivier Adam, Flammarion, 21.50€