« Vous savez, je n’ai jamais changé d’optique. J’ai toujours écrit ce que j’avais envie d’écrire, ce que je ressentais. C’était pensé, sincère et surtout, je ne cherchais pas à faire dans la mode ou l’air du temps. C’était je crois de qualité puisque, les yéyés venus, je n’ai pas été balayé mais j’ai travaillé avec eux et ils étaient demandeurs.
Mais pendant que Sylvie chantait La plus belle pour aller danser moi je chantais La mamma et on était tous deux en tête des ventes. Grâce à moi ils ont pris une nouvelle dimension. Je les ai amenés à la langue française, à des mots qui voulaient dire quelque chose et après, ils ont suivi ce chemin. Je suis toujours resté classique tout en suivant de près les nouveaux sons, les nouvelles tendances. Je ne me suis pas cantonné dans un style, j’ai évolué et je les ai fait évoluer aussi.
Même aujourd’hui, ceux qui resteront seront ceux qui feront l’effort de chanter du français bien écrit. Quant à moi, je n’ai jamais fait que ce je savais faire, à ma manière, dans mon style et en évoluant. C’est ainsi que Piaf et Vartan m’ont chanté, comme Gréco et Dalida, Croisille et Barbara et bien d’autres. Et comme d’autres, encore, me chanteront. Car aujourd’hui beaucoup de jeunes continuent à me voir, à me demander des conseils et même des chansons, ce qui prouve que je tiens encore la route ! ça m’amuse, ça me flatte… Le dinosaure que je suis est heureux de voir que le public qui a vingt ans me découvre et m’apprécie et j’aime leur dire que si je ne suis pas de leur époque je ne suis pas non plus d’une autre époque. C’est quand même moi qui ai stoppé la guerre yéyés-anciens en chantant Les plaisirs démodés ! Je n’aime pas les cloisonnages et je suis ravi lorsque je peux les détruire. La preuve, les trois albums je les ai réenregistrés à Londres avec de jeunes musiciens qui ne connaissaient pas les enregistrements primitifs, pour qu’ils leur donnent une nouvelle couleur. C’est bien de reprendre des chansons du patrimoine car il ne faut pas que Brel, Brassens, Trenet, Béart tombent dans l’oubli. C’est notre mémoire et les jeunes chanteurs sont faits aussi de cette mémoire. »
A propos de Piaf, qui l’a beaucoup aidé dans ce métier mais à qui, en échange, il a offert de superbes chansons, il a retrouvé, dans les affaires de Théo Sarapo qui dormaient dans sa famille depuis la mort de cet artiste qui fut son dernier mari, un duo qu’ils avaient fait mais qui était resté à l’état d’ébauche : Bleu. Avec les techniques actuelles, il a donc réenregistré ce duo virtuel et enfin leur duo a été reformé. C’est une belle histoire… et un beau disque !
« Et une grande envie. Car aujourd’hui je ne fais plus de compromis, je veux m’amuser, être excité par un projet, faire ce que j’ai vraiment envie de faire. J’ai deux impresarii : un pour le chanteur, un pour le comédien. Ils me proposent et je choisis. Je choisis mes scènes, mes tournées, les pays où je veux aller pour chanter. Au cinéma ou à la télévision, c’est plus pour l’aventure que je vais vivre, pour les gens que je vais rencontrer. Lorsqu’on m’a proposé de jouer avec Annie Cordy, j’ai dit oui tout de suite car on se connaît depuis des années, elle m’a chanté mais nous n’avions jamais rien fait ensemble et elle est une comédienne hors pair. Déjà, dans mon choix, il y a les choses que je ne veux pas faire : des couples qui se déchirent, je l’ai trop chanté, les scènes d’amour car je déteste ça, ça m’est impossible… se retrouver au lit avec une dame qu’on connaît à peine, ça me gène. Vous savez, l’Orient, ça laisse des traces ! »
Les critiques, les prix, aujourd’hui il s’en fout. Pourtant, longtemps la critique l’a blessé et les prix ont mis longtemps à venir.
« Mais le talent, ça se construit aussi avec les critiques, même si quelquefois elles sont très subjectives. Un jour, j’ai décidé de… « faire semblant » de ne plus lire les critiques et d’aimer les gens qui me critiquaient et c’est comme ça que j’ai désamorcé les bombes. Aujourd’hui tout est rentré dans l’ordre. Mais il faut avouer que je n’ai jamais eu de mauvaises critiques en tant que comédien. La seule mauvaise critique est venue d’un journaliste pour 10 petits nègres, c’était : « Il a eu la délicatesse de mourir le premier ! » Alors aujourd’hui, on me distribue des prix et quelquefois ça me fait rire.
Recevoir le César pour l’ensemble de ma carrière, soit, mais être « Le chanteur de l’année » en 1996, aux Victoires de la Musique, ça veut dire quoi ? Il y a 40 ans que je suis le chanteur de l’année et lorsqu’on me donne ce prix à moi, on occulte quelqu’un d’autre qui le mérite autant… »