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Le scaphandrier et son bonnet rouge

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Voyez comme le hasard fait bien les choses… Gérard Loridon nous envoie un texte qui ne peut être plus d’actualité… même si ces bonnets ne sont pas les mêmes et quoiqu’ils soient devenus le symbole d’un pays de mer… Une autre mer !
Et de l’Atlantique et la Manche à la Méditerranée, il n’y a que quelques miles qui nous séparent !
JB

Les bonnets rouges sont d’actualité et font parler d’eux en Bretagne, alors…

C’est le Commandant Cousteau qui à fait revivre le bonnet rouge des scaphandriers. C’est aussi grâce à lui que j’ai donc pratiqué cette noble bien que quelquefois redoutable profession dès l’âge de 20 ans. C’était en 1953. Faisant subir une concurrence fâcheuse à ceux qui méritaient ce titre parce qu’utilisant le scaphandre dit lourd, nous avons donc été par la suite, après avoir renvoyé les casques en cuivre dans les musées où les dessus de cheminée, leurs dignes successeurs. Ce que j’affirme sans honte car prendre la place de quelques-uns de ces rudes gaillards n’a pas toujours été facile. Certains étaient des travailleurs hors pair, surtout dans le domaine des travaux publics sous-marins que, nous les premiers, affectionnions particulièrement, le seul champ possible de nos activités. La plongée très profonde sur les champs pétroliers allait attendre une dizaine d’année pour amplifier le métier.

Comme dans toutes les professions nouvelles il nous fallait tout inventer ou réinventer. Surtout sur le plan physiologique où nos ancêtres avaient des théories simplistes. Il m’est souvent arrivé de m’entendre traiter de grenouille. Ce qui n’était pas grave en soit. Où cela devenait épique c’est quand il nous était jeté au visage devant des parterres d’ingénieurs que, oui, on pouvait rendre service pour des reconnaissances rapides mais que le travail profond nous était interdit, car notre matériel léger ne nous permettait pas de résister longtemps…à la pression ! Hargneux comme des jeunes chiens que nous étions, défendant leur os, nous avons vite démontré que les tables de décompression étaient nécessaires et qu’il n’était pas judicieux de les effacer le samedi pour rentrer plus vite à la maison.
Il a été décidé par l’INPP que ceux qui seraient certifiés mention A hériteraient du titre de “Scaphandriers”. Partant de là; nous avons coiffé le bonnet rouge du Cdt Cousteau et des anciens.
Mais au fait d’où venait les origines du dit bonnet ? Il est retenu qu’il avait d’abord été porté par les bagnards de Toulon et Brest assujettis à de lourdes peines et donc il était normal de leur faire prendre des risques. Cela consistait à utiliser un bonnet rouge pour enlever les derniers étançons qui soutenaient la coque d’un navire devant être mis à la mer. Inutile de vous dire que quand la coque commençait à glisser sur la pente, le malheureux devait être agile. Sinon… et bien ce n’était pas grave vu sa lourde condamnation à laquelle il n’aurait certainement pas survécu ! Quand il a fallu envoyer des individus pour utiliser les premiers scaphandres dont celui du Chevalier de Beauve et ceux qui ont suivi, on a pratiqué de la même manière. Là, si le matériel tenait bon et que le scaphandrier restait des heures dans l’eau quelquefois assez bas, lors de sa remontée sa perte ne causait pas de grand chagrin. Que dire de ceux qui, y réchappant, devenaient bancroches, béquillards, aveugles ou sourds. Ensuite ce bonnet en bonne laine isolait la tête du froid et permettait de pouvoir appuyer souvent sur la soupape de vidange d’air se trouvant dans la partie haute du casque. J’ai eu à connaître ce type d’engin lors de mon service au GERS, lors de ma troisième plongée, à trente mètres : j’ai passé le plus clair de mon temps à me battre avec la gueuse fixée au bout du bout de descente, planant à deux mètres au dessus du fond pour ne pas lever des nuages de vase, mais qui par de longs balancements essayait d’atteindre la vitre de mon casque. S’ajoutait à cela que le maudit bonnet rouge lui, essayait de me descendre sur les yeux. J’ai vécu des moments intenses dont je me serais bien passé et que je n’ai jamais cherché à rééditer.

Non, mon bonnet rouge, j’ai été le chercher bien ailleurs lors de mes cinquante années d’immersions diverses en scaphandre Cousteau.
Un peu fiers, je crois aussi que nous, les scaphandriers de Galerne, l’avons bien mérité.

Gérard Loridon