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Tête-à-tête avec…. Francis Lalanne

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A Toulon pour rencontrer ses lecteurs, un cœur à cœur, entre sourires, regards croisés et mots échangés, Francis Lalanne s’est prêté au jeu des dédicaces, un exercice qu’il adule particulièrement, le meilleur moyen de se dire toute l’admiration, l’attachement que l’on éprouve l’un envers l’autre. C’est le moment de découvrir un homme assagit, humain avant tout, qui a dédié son existence à tous ceux qui ont un jour croisé son chemin.

L’air rêveur, vêtu de noir de la tête aux pieds, peut-être un peu austère aux premiers abords, sous une grisaille tenace Francis Lalanne se tient devant moi, me propose un café et la conversation se fait d’elle-même. Au fil de l’interview, je découvre un homme passionné par autrui, une passion qu’il cultive autour de ses nombreux voyages, désireux de découvrir le monde encore et encore, un homme attaché au partage, le partage de son savoir vers les autres civilisations. Bien loin de l’artiste médiatique qu’il a pu être il y a quelques années, Francis Lalanne vit une vie cachée, à des milliers de kilomètres du show-business.
Aujourd’hui, il s’adonne à d’autres arts que celui de la musique, il peint, sculpte, interprète mais surtout il écrit, des poèmes où se révèle un côté romantique insoupçonné en cette personne solitaire de nature. Son dernier recueil de poèmes, intitulé « La fille imaginée » est une ode au sentiment amoureux, une déclaration subtile et touchante, empreinte de références littéraires et de métaphores, un témoignage d’amour et de tendresse qui naît sous la plume d’un sensible sentimental, une personne attentionnée et humble, ce sont peut-être les années qui passent, certainement la vie qui suit son court, mais Francis Lalanne demeure un artiste accompli, dans n’importe quelle discipline, à n’importe quelle période de son existence.

« La fille imaginée » est une magnifique déclaration d’amour, en lisant ce recueil de poèmes on se rend compte que vous êtes un grand romantique…
Oui dans tous les sens du terme, notamment au sens moderne du terme romantique, comme on le définit dans la littérature amoureuse. Le romantisme n’est pas simplement des amoureux qui se disent des poèmes d’amour et qui mettent du lyrisme dans leurs sentiments, le romantisme c’est aussi Lorenzaccio qui tue le Duc, les Trois Glorieuses, Gavroche sur les barricades, Victor Hugo, le romantisme n’est pas simplement fleur bleue, c’est aussi une forme d’engagement poétique, intellectuel et actif dans la vie citoyenne et dans la pensée politique, c’est une attitude à la fois critique et à la fois constructive puisqu’elle produit de l’expression et je me situe complètement dans le courant romantique, d’ailleurs j’ai choisi de pratiquer la poésie en respectant les règles classiques et en cela je me situe hors du temps dans une vision externalisée, libre. Le romantisme c’est la liberté dans l’expression des sentiments.

Francis Lalanne, à Toulon pour rencontrer ses lecteurs - Limpact

Auteur, compositeur, interprète, écrivain et j’en passe, vous êtes un touche-à-tout, est-ce pour vous un moyen de vous renouveler, de ne pas vous enfermer dans une case ?
C’est surtout le moyen d’éviter l’angoisse de la page blanche. La pluridisciplinarité puisque c’est ainsi qu’il faut l’appeler c’est le moyen d’éviter les crises d’inspiration, lorsque je n’arrive plus à écrire je peins, lorsque je n’arrive plus à peindre je sculpte, j’interprète, j’évolue et j’avance de pôle en pôle, d’un point d’expression à un autre, comme on va de ville en ville, c’est un vagabondage, une déambulation d’une forme d’expression à une autre forme d’expression pour maintenir le fond en une perpétuelle effervescence, je change la forme pour que le fond ne se trouve jamais dans l’impossibilité de s’affirmer.

On a souvent dit de vous que vous étiez un marginal, comment vit-on ces remarques qui subsistent encore au bout de toutes ces années ?
J’ai coutume de dire que le regard des autres ne me regarde pas, je pense que j’ai autant d’images que de pairs d’yeux qui se posent sur moi, si je devais tenir compte de chaque image que quelqu’un peut avoir de moi je deviendrais fou. Je préfère laisser à chacun la liberté de me voir et de me m’entendre comme il le souhaite, de se faire sa religion, moi je me contente d’être qui je suis et de tenir mon cap, de laisser à chacun la liberté d’en faire l’analyse qui est la sienne. J’ai tendance tout de même à m’attarder sur l’amour et à ne pas m’attarder sur toute forme d’agressivité, sauf lorsqu’elle m’intéresse et lorsque je sens que c’est l’expression d’une réflexion ou d’un doute qui me permettent moi-même de réfléchir sur mes propres mouvements, mon parcours, mais en général je m’attarde plus volontiers sur les sentiments positifs que sur les sentiments négatifs.

Qui est Francis Lalanne dans la vie réelle ?
Un romantique, quelqu’un de libre et de soucieux de s’exprimer, je suis également soucieux de partager, j’aime l’échange, j’aime rencontrer l’autre, croiser des cœurs, des âmes, des regards, des paroles, m’enrichir au contact de l’autre, je suis un solitaire qui passe sa vie à aller à la rencontre de l’autre. J’ai un parcours solitaire vers l’autre.

Aujourd’hui, vous êtes moins exposé médiatiquement, est-ce un choix de votre part ?
Oui, j’avais besoin de prendre du recul, j’ai beaucoup voyagé, j’ai découvert des cultures, des civilisations, des personnes qui m’ont énormément apporté. Là, je reviens du Pôle Nord, j’ai rencontré des artistes groenlandais et j’ai composé une chanson avec eux qui sortira bientôt. Je fais le tour du monde à la rencontre d’artistes issus de cultures dont la langue meurt et je compose avec eux pour les ramener à la culture globale, montrer qu’ils ont leur place, leur rôle, j’essaie de ne pas les ghettoïser davantage en les braquant dans leurs archétypes, au contraire. Je ne suis pas contre la culture globale à condition qu’elle mette en valeur aussi ces particularismes. A partir du moment où elle les anéantie, elle est contestable.

Francis Lalanne, La fille imaginée - Limpact

Avec les années, peut-on dire que vous vous êtes assagit ?
Oui bien sûr et d’ailleurs c’est de mon âge de m’assagir. J’ai été un adolescent très longtemps et je pense que comme le dit Goethe il y a un moment où le poète doit, pour être poète, maîtrisé par son démon et vient un âge où c’est le contraire, c’est-à-dire que c’est à lui de maîtriser son démon, il y a un temps pour être Rimbaud et un temps pour être Goethe finalement ou Victor Hugo, quoiqu’on puisse discuter de la maîtrise du démon de Victor Hugo, de la façon dont il avait de fréquenter ses soubrettes jusqu’à la fin de sa vie, on peut s’interroger sur son rapport avec les femmes, mais c’est tout de même quelqu’un que j’apprécie beaucoup comme Goethe qui a été ce poète adolescent devenu un poète assagit. Je pense que c’est un chemin, nous devons être l’un et l’autre, sur le chemin de son devenir poétique.

De nouveaux projets pour 2015 ?
Mon principal projet c’est de continuer mon tour du monde, j’ai sorti le recueil de poèmes « La fille imaginée » et j’ai un projet de livre en avril, il s’agit du pré quel de « La fille imaginée ». Puis je viens de sortir un disque hommage à Léo Ferret, il a été mon maître et mon ami pendant plus de 15 ans, avec ce disque je fête mes 30 ans d’amitié avec lui, je considère que nous sommes toujours amis même de manière posthume.

Propos recueillis par Marine Astor